Restos / Bars

Le Marie-Clarisse : Mangeons, la mer est belle

Contre vents et marées, Le Marie-Clarisse maintient le cap et vous en met plein les sens.

De l’autre côté des hautes fenêtres carrelées, la terrasse propre est prête – et déserte, car ce n’est pas la canicule. Il fait mi-soleil… ou mi-maussade: simple question d’état d’esprit. Je suis, moi, dans l’expectative. Mon invitée devrait arriver par l’escalier du Casse-Cou. C’est du moins ce que je crois. Pour le moment, je ne vois que promeneurs désoeuvrés et touristes nonchalants. Quelques ados d’un petit groupe esquissent des cabrioles en descendant les marches. À l’intérieur, un couple arrivé après moi termine ses entrées. J’ai faim. Alors que je m’apprête à commander un jus de tomate, mon invitée se pointe, se confond en excuses à cause de son retard, du stationnement… et d’une balade qu’elle s’est tapée à l’île d’Orléans – dont elle me rapporte d’ailleurs un pot de beurre de pommes. Nous ne nous sommes pas vus depuis… un an? Deux, peut-être? Tant de choses à nous dire que ma faim proteste. J’appelle donc un jus de tomate à la rescousse; elle opte pour un kir royal. Tchin-tchin, blabla. La carte est si prolixe, si prometteuse, que j’ai du mal à me décider. Mon invitée souhaite en outre que je la conseille, double embarras dont je me tire sans pirouette en lui vantant les mérites de cette table qui ne m’a jamais déçu.

L’un des serveurs qui s’occupent de nous vient à l’occasion répondre à nos questions. Ses descriptions flattent l’appétit. Nous passons ainsi du duo de rillettes (bar rayé et maquereau) aux huîtres Village Bay du Nouveau-Brunswick, au calmar confit au cumin et cardamome, puis au gros pétoncle des Îles-de-la-Madeleine. C’est ce dernier que choisit mon invitée comme entrée. Du côté des plats de résistance, il y a de quoi saliver davantage encore: morue noire; agneau (jarret effiloché braisé et carré rôti) servi avec une glace de veau montée au foie gras; crevettes grillées au pesto d’herbes et pamplemousse… À la "Marmite bouillabaisse façon Marie-Clarisse" – recette traditionnelle de la maison -, mon invitée craque. Nous aurions pu être déjà tombés d’inanition. Par bonheur, deux amuse-gueule avaient précédé de peu l’arrivée de la carte à notre table: petites brandades d’esturgeon fumé rehaussées de vinaigre de champagne et d’un soupçon de zeste. Imaginez déguster ça en écoutant du Pink Martini!

Le "gros pétoncle" arrive sans se faire trop attendre. Bien grillé sur le dessus, doré, et posé sur un lit douillet de pleurotes marinés à l’huile d’olive parfumé de thym; un coulis de kalamatas y ajoute son parfum. Le mollusque est d’une tendreté idéale, partout – fondant comme du beurre, tout pénétré d’arômes et savoureux au possible. Mon invitée se délecte, mangeant à petites bouchées souriantes. J’avais pour ma part choisi le foie gras de canard au torchon. Il est là, patient, entre de fines tranches de magret cuit au gros sel et au thym, puis séché, et accompagné d’une confiture de tomates à l’anis étoilé. Un filet de marmelade de kumquats ponctué de pistaches traverse la petite assiette d’un bord à l’autre. Le contraste des textures se résout en harmonie et, sur le plan des saveurs, l’ensemble aurait mérité une note parfaite… n’était l’excès de gros sel sur le foie gras, sur les tomates, un peu partout.

Le deuxième service ne suscite que des éloges des deux côtés de la table. La "Marmite bouillabaisse" embaume et fume. Aromates et fruits de mer (omble, bar, moules) conjuguent leurs parfums; ils en imprègnent la sauce foncée, dense, corsée, un peu relevée et presque saturée de goût. Totalement accaparée par son plat, mon invitée – je crois – ne fait pas attention à la rouille et aux croûtons qui lui sont servis à côté. Elle ne néglige cependant pas les légumes au beurre qui lui sont servis à part: crosses de fougères, carottes et moitiés de pommes de terre. Des moitiés de pommes de terre accompagnent aussi mon dos de saumon grillé posé sur une fricassée de pleurotes, de champignons de couche et d’oignons verts. La sauce? Une bisque de homard à la truffe – brun clair et d’une infinie délicatesse. Rien d’agressant, donc, pour la chair du saumon qui révèle, sous sa mince croûte dorée, une finesse de goût qu’il m’est rarement arrivé d’apprécier à ce point. Pour finir en beauté, j’encourage fortement mon invitée à se commander un dessert. Elle se fait prier à peine, par coquetterie. Et j’ai le plaisir de goûter à sa mousseline au chocolat dont chaque bouchée vous laisse sur la langue un moellon de mascarpone qu’on écrase voluptueusement contre le palais.

Le Marie-Clarisse
12, rue du Petit-Champlain
Québec
Tél.: 418 692-0857
Table d’hôte à partir de 49 $
Menu du midi: 9 à 30 $
Dîner pour deux (incluant boissons et taxes): 141,94 $

Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile