Restos / Bars

La Fenouillière : La constance du cuisinier

La Fenouillière entretient l’excellence à sa table et met un point d’honneur à vous laisser, midi ou soir, un sourire sur les lèvres.

Mon invitée pouffe: "J’ai l’impression qu’on n’est pas sortis d’ici…" Je décide d’attendre encore un peu avant de faire signe à l’un ou l’autre des serveurs et serveuses qui passent et repassent. À un certain moment, le maître d’hôtel nous fait de loin un petit signe et, peu après, arrive à notre table. "On nous oubliait", dis-je. "Mais pas du tout…" Il y a dans le ton cette courtoisie à laquelle le personnel de La Fenouillière semble ne devoir jamais renoncer. Qui plus est, l’excuse pour le petit retard est parfaitement valable: la salle est bondée; au fond de la pièce, les deux salons le sont autant. Apéros? Non, merci. Nous nous passerons aussi de vin: un après-midi chargé attend mon invitée au bureau et, pour ma part, j’ai quelques jours de boulot à rattraper. On nous apporte le menu du jour, on remplit nos verres d’eau. "Que me conseilles-tu?" Tout… ou n’importe quoi: je n’ai jamais été déçu à cette table. Mon invitée rigole, ma réponse ne l’avance pas beaucoup. Pour débuter, nous avons le choix entre la feuille de riz au saumon frais et fumé, la salade d’épinards et fèves germées, la crème Dubarry. Nous nous mettons d’accord pour ignorer la salade. Ensuite? Paleron de veau braisé au thym frais, trilogie d’agneau et semoule de blé, assiette de la mer à la salsa… Là, je dérape, évoquant l’excellence des tartares maison qui ne figurent pas sur la carte aujourd’hui. Au regard perplexe de mon invitée, je devine qu’elle jetterait volontiers un coup d’oeil à sa montre… si elle en portait une. Grenadins de porc à la gelée de groseille ou contre-filet de boeuf au doré-mi? Le maître d’hôtel lui-même revient à notre table pour répondre à nos éventuelles questions et, le cas échéant, prendre tout de suite notre commande. Nous tergiversons un peu, mon invitée et moi, mais finissons par nous décider. En attendant l’arrivée de nos plats, nous demandons à consulter la carte du soir. Nous évoluons encore parmi les fruits de mer, suprême de pintade au xérès et porto, mignon de porcelet rosé et panaché de fruits de mer au beurre d’oseille quand nos entrées s’amènent. Dans l’assiette de mon invitée se dressent trois petits rouleaux dont l’enveloppe, transparente, laisse bien voir la chair rose du saumon. Ils ne révèlent qu’en bouche les autres "secrets" de leur farce, asperges et fromage à la crème. Un vrai velours pour le palais, un petit bonheur pour les papilles. Ma crème Dubarry (potage de chou-fleur) se révèle un peu fade. Une pincée de sel, une deuxième… Elle s’en porte beaucoup mieux. Comme plat de résistance, mon invitée avait opté pour la trilogie d’agneau – merguez (pas trop relevée), côtelette et romsteck sur un lit de semoule aux légumes (champignons, pois chiches, céleri et courgettes). Elle est loin de regretter son choix, car tout plaide en faveur de ce plat: la semoule bien égrenée, empanachée d’une branche de romarin et mouillée de jus goûteux, les viandes succulentes et cuites à point, sans parler de l’appétit que semble régénérer chaque bouchée. Ma propre assiette est garnie d’un long croûton posé en partie sur une garniture d’épinards, de petits pois, d’une tranche d’ananas et de chou rouge un peu (trop) poivré. L’essentiel se compose de moules éparpillées parmi des raviolis de saumon opportunément relevés d’une sauce blanche au curry, onctueuse et de bon goût. Comme cela arrive souvent avec des raviolis, la pâte aurait mérité une ou deux minutes de cuisson supplémentaire… avec les risques d’"éclatement" que cela comporte. Pas grave, me dis-je: je n’ai pas les dents si paresseuses que cela. Mon invitée rigole. À force de voir passer des tranches de gâteau surmontées de chandelles – bien des anniversaires à célébrer? -, nous ne déclinons pas l’offre d’un dessert. On nous en énumère quelques-uns, deux fois plutôt qu’une. Mon invitée se laisse tenter par un gâteau au fromage blanc et framboises passementé de coulis de framboises. Le même coulis mouille discrètement mon gâteau aux carottes et noix. "Par définition, dis-je, un coulis est passé au tamis…" En un mot, les pépins de framboises m’agacent, si minuscules soient-ils. "Ils ne me dérangent pas trop", commente mon invitée entre deux bouchées. Deux cafés bien corsés nous retiennent encore quelques moments à table.

La Fenouillière
3100, chemin Saint-Louis
Québec (Québec)
Téléphone: 418 653-3886
Menu du jour: 16 à 22 $
Table d’hôte à partir de 42 $
Dîner pour deux (incluant les taxes): 41,20 $

Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile