Certes, il faut d’abord apprécier ce genre d’ambiance. En plein coeur de la Cité du multimédia, Le Local attire les jeunes fauves très start-up mais aussi les vedettes de la télé. Les proprios ont réussi un véritable tour de force: celui de créer un buzz autour de ce nouveau resto grâce à un carnet de contacts bien garni. Résultat, à peine deux mois plus tard, c’est complet. Le soir, de nouveaux clients arrivent après 22 h dans ce quartier de cyber-entreprises pourtant désertique. Il faut comprendre que ce Local est très beau. Un ancien bureau d’architecte (c’est tendance) aux plafonds évidemment démesurés, très métallique. Des puits de lumière éclairent l’entrée, salon genre lounge et bar, et, à gauche, la grande salle qui contient aisément une cuisine ouverte. Du gris, du noir et des tables en bois récupéré composent l’espace très aéré. Dehors, la terrasse boisée est meublée dans un style très contemporain, noir. Mais très champêtre grâce au lierre envahissant les murs de pierre.
Aux commandes, donc, Louis-François Marcotte, que vous connaissez peut-être pour l’avoir vu cuisiner à Canal Vie. Et son compère: Alexandre Gosselin, qui nous a régalés à son Ô Chalet avant de rejoindre le chef Louis au Simpléchic, à Verdun. Bref, deux énergumènes de talent qui veulent nous épater avec une cuisine… néo-québécoise, dirions-nous. Un style de bistro moderne difficile à cerner: ils utilisent des produits et des recettes d’influences diverses, dans des plats aux dénominations très sexy mais un peu complexes. Et qui nous laissent perplexes.
Nous étions cinq, nous avons goûté beaucoup de choses, ce sera donc une chronique en forme de bilan. En forme de top. Vous allez aimer ça.
ENTREES
4e ex æquo: la salade de betterave et le tartare de saumon. Pour une raison simple et ironique, la surabondance d’huile de truffe, très envahissante car de piètre qualité. Les huiles de truffe sont fabriquées à base d’un arôme artificiel très puissant. Parfois trop.
Difficile de classer les autres, mais disons:
3e: "la mousse de foie de volaille en verrine, nem de foie gras de canard, pain brioché maison". Le nem est délicieux, la mousse, généreuse et le pain, succulent.
2e: "le crab cake d’Alaska et sa salsa de poivron/ananas/coriandre, sauce au vandouvan et curry". Ça a l’air compliqué comme ça, mais c’est surtout très réussi. Belle croûte dissimulant une chair goûteuse.
Bon 1er: "sur une purée de butternut/marrons, éclats de noisette, champignons de saison, moussante à la truffe". Un plat hommage aux Frères Pourcel (restaurateurs réputés de Montpellier, en France, où Alexandre Gosselin a fait ses classes) tout simplement renversant.
PLATS
Malheureux dernier: le "risotto aux crevettes de Sept-Îles et chorizo grillé, fenouil, shiitakes, cheddar de l’Île-aux-Grues, huile de vanille", vraiment pas assez crémeux. On aurait dit une paëlla.
4e: on s’est un peu ennuyé face à ce "pavé de flétan rôti, salade de haricots coco, cipollini, tomates confites, chou de Bruxelles et calmars, vinaigrette au beurre noisette et balsamique", bizarrement fade.
3e: les carnivores apprécieront peut-être les gros morceaux de ce "tartare de cerf de Boileau coupé au couteau comme il se doit, crème montée de câpres et cornichons, frites, salade ou 50/50". Trop peu haché et relevé, selon votre chroniqueur.
2e: un excellent "paleron de boeuf 4A (euh… ça n’existe pas) de la Ferme Eumatimi braisé très longtemps, panais en purée, choux de Savoie, lardons et lentilles du Puy, jus de viande au lapsang souchong". L’énoncé remplit ses promesses.
Et un premier prix, tout autant que spécial: pour cette "tartelette du lendemain de veille, smoked meat, champignons de saison, tomates confites, oignons caramélisés, mozzarella di bufala, foie gras de canard poêlé, roquette italienne dans l’ordre et le désordre" franchement aussi hilarante que la poutine de Martin Picard.
DESSERTS
Ah… pas mal, le travail du pâtissier Rémy Couture. La tarte au citron est légèrement meringuée et accompagnée d’un sorbet au melon, la panacotta à la vanille et sa soupe de nectarine est délicieuse et la gelée au chocolat et son crumble, très amusants. Épatant.
EMBALLANT /
Une cuisine innovante, c’est évident. Avec le souci de bien faire, de rendre justice aux bons produits et de ne pas trop se prendre au sérieux. Bref, une popote jeune et dynamique. Avec le défaut de cette qualité: un peu trop d’immaturité dans la confection des plats.
DECEVANT /
L’excès de désir de luxe, marqué par l’huile de truffe. La serveuse, qui vend la mozzarella di "bufalo" sans savoir de quoi elle parle. Bufala, jeune fille. C’est du lait de femelle. Le côté vraiment branché, mais là, vous décidez.
COMBIEN? /
Comptez facilement une vingtaine de dollars par personne à midi. Le soir, doublez aisément. Très beau choix de vins de la reine de la sommellerie Élyse Lambert.
QUAND? /
De 11 h à 23 h du lundi au vendredi. De 15 h à minuit le samedi et repos le dimanche.
OU? /
Le Local
740, rue William (angle Prince)
Réservations très recommandées au 514 397-7737