Heureuse coïncidence? Il porte le même nom qu’une célèbre série éducative (créée par Bill VanPatten) dont tous les latinophiles se souviennent certainement. D’ailleurs, notre serveuse nous avouera au cours de la soirée que, depuis l’ouverture, plusieurs clients profitent de leur visite pour pratiquer la langue d’Octavio Paz.
Vers le milieu de la semaine dernière, je m’étais arrêté là un midi pour prendre le pouls de l’endroit et consulter la carte. Le petit tableau installé dehors ne fait qu’aiguiser la curiosité. On entre alors pour découvrir une salle à manger de dimensions moyennes, propre et bien tenue, sobrement décorée de plantes vertes, de poteries et de deux reproductions de Diego Rivera (dont La Piñata). Il ne restait qu’une ou deux tables libres, et d’autres gens arrivaient. La carte m’avait fait bonne impression et j’étais reparti avec, dans mon souvenir, une odeur de tortillas chaudes et de grillades… qui me ramène ici ce soir.
Mon invitée a jeté un coup d’oeil à l’intérieur, puis nous avons choisi de nous installer sur la terrasse. Nous y sommes les seuls pendant quelques minutes, puis trois autres couples arrivent l’un après l’autre. Une margarita et une Dos Equis nous tiennent lieu de viatique pour la balade que nous propose la carte en termes de sopa azteca (crème de haricots rouges et chipotle), tostada de tinga, guacamole, quesadillas et haricots rouges, enchiladas verdes. Après ces entrées et quelques autres, nous poursuivons notre inventaire parmi les alas de pollo Destinos (ailes de poulet marinées à la sauce maison), frijoles charros (haricots rouges, chorizo, bouillon épicé) et parrilladas (grillades). Ces dernières sont de poulet (avec bacon et poivron rouge) ou sureñas (du Sud), à base de porc, de fromage et de sauce maya.
Ceux qui sont arrivés après nous mangent déjà; nous tergiversons encore. À deux ou trois reprises, mon invitée répète à haute voix ce mot qui semble lui plaire: chori-queso. Elle se fait décrire le mets par la serveuse et déclare à haute voix que cela lui plairait bien. Mais elle choisira autre chose… Entre-temps, on a placé sur notre table un support en fer forgé dont chaque anneau enserre un petit bol de sauce: árbol (la plus piquante), jalapeño, chipotle et pasilla – cette dernière étant réalisée, nous dit-on, avec le seul piment mexicain qui "ne pique pas".
Nous avons fini par commander. Le minuscule haut-parleur accroché au haut du mur nous déverse à faible volume la voix de Pepe Aguilar chantant Tú Sólo Tú. L’attente n’est pas bien longue. Le cóctel de camarón, relevé de coriandre, m’est servi dans une coupe évasée où crevettes, oignons et dés de tomates s’emmêlent, liés d’une sauce de très bon goût, ni trop acide ni relevée. Les tacos qui l’accompagnent sont faits maison – comme tout ce qu’on vous sert ici. Pour que mon invitée puisse m’accompagner, elle qui n’a pas pris d’entrée, on lui offre ce chori-queso dont le nom lui plaisait tant. C’est un goûteux mariage de fromage et de chorizo bien équilibré du point de vue des saveurs et des textures. À côté, un bol de guacamole. Mon invitée "joue" des sauces en virtuose, ponctuant de petits soupirs son halètement de plaisir. Puis c’est le principal. Pour moi, un pollo con mole, de la poitrine de poulet en sauce de cacao et d’arachides, semée de graines de sésame. Ici, un petit monticule de riz aux légumes (tomates, carottes et petits pois), là une savoureuse purée de frijoles. Abondante et savoureuse, la sauce me surprend un peu; je m’attendais à ce qu’elle ne soit pas sucrée – ou qu’elle le soit beaucoup moins. C’est le mole de Pueblo, m’explique-t-on, et non celui de Guajaca. Je le traite tout de même comme il le mérite: je le mange. Mon invitée se régale de ses tacos al pastor, viande de porc et sauce à l’achiote (rocou, anatto) et au jus d’orange, plus une abondante salade de trévise, laitue, concombre. À chaque bouchée, on tombe sur de minuscules morceaux d’ananas qui s’affaissent sous la dent et vous jutent sur la langue.
Tout en mangeant, nous nous disons que nous avons lu la carte un peu vite, que bien d’autres plats auraient pu nous tenter – tamales, quesadillas, ceviche… "Va falloir revenir", nous disons-nous en même temps. D’ici là, les serviettes de table seront peut-être moins… minuscules et nous sucrerons nos cafés avec des cuillers plutôt qu’avec des bâtonnets de plastique. Nous terminons par un flan au caramel léger et sans grumeaux, d’autant plus délicieux que le caramel, réalisé à part, est à base de lait de chèvre.
Destinos
853-B, avenue Myrand
Québec
Tél.: 418 688-2158
Table d’hôte midi et soir: 8,95 à 11,95 $
Prix variés pour les mets à la carte
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 58,51 $
Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile