Sur l’une des grandes marches de l’entrée, une brève inscription clame "40 ans!". Au proprio qui nous accueille lui-même sur le pas de la salle à manger, je fais part de la coïncidence: j’ai mis le pied à Québec il y a 40 ans, moi aussi. Il suffit d’ajouter un zéro, et nous avons les 400 ans de la ville. De quoi jaser un brin à bâtons rompus… De fil en aiguille, j’en viens à évoquer avec lui Er Michelangelo, l’ancienne "version" du resto. "Ça fait longtemps que vous venez, je m’en souviens très bien…" Il se souvient aussi de mon affection pour la gigantesque assiette de fruits de mer que peu de clients parvenaient à terminer. "Nous l’avons encore au menu…" Je le sais, mais ce n’est plus la même, j’ai vérifié. "Nous sommes revenus à l’ancienne recette…" Sur ces paroles réconfortantes, nous parvenons à la table qui nous a été réservée. À partir de ce moment, c’est tout le personnel qui vous prend en charge. Pas envahissant, non; attentif et prévenant, courtois, souriant. Cette chaleur a toujours été la même. Pour être qualifiée de familiale, il ne lui manque que les accolades et les exclamations. Les amuse-gueule arrivent avant même que nous ayons ouvert la carte: deux wontons farcis de veau et deux bouchées de crevettes au beurre citronné. L’avant-goût d’un festin! Nous nous attardons un peu du côté des suggestions du chef, fegato di olla alla Sonia (foie gras d’oie à la façon de Sonia), la nostra migliore selezione d’ostriche (nos meilleurs choix d’huîtres), zuppa di frutti di mare Michelangelo (soupe de fruits de mer Michelangelo)… Puis ce sont les entrées froides de la carte – jambon de Parme et melon, cocktail de crevettes, assiette de poissons fantaisie, vitello tonnato… Ah, celui-là! De délicates tranches de veau froid nappées de sauce au thon et aux câpres, accompagnées de tranches de tomates luisantes de bonne huile d’olive. Mon invitée s’en était régalée lors de notre dernière visite. Cela se poursuit avec la bresaola con rughetta (bresaola et pâtes à la roquette), les soupes, les salades, les entrées chaudes (pétoncles et crevettes, escargots, foie gras), les poissons et fruits de mer (sole de Douvres, langoustines au beurre citronné), les viandes (boeuf, veau, agneau, abats), le risotto (aux bolets, aux fruits de mer ou au champagne), sans oublier les pâtes… Imaginez la salle bondée, les salons privés aussi, le personnel apprêtant ici une César, servant là une côte de boeuf ou du spaghetti aux palourdes… Là encore, un carré d’agneau qu’on vient de libérer de son couvre-plat. Tout cela vous induit à une douce rêverie; les entrées vous ramènent à une réalité tout aussi douce. Nous avons eu le choix des pains – grissini, aux olives, blanc, etc. Plus de la moitié de mon Asti Spumante a déjà fait son chemin. Mon amie a presque terminé son verre de Montepulciano d’Abruzzo (Farnese, 2006) et s’intéresse maintenant à ses animelle di vitello saltate in padella con marsala et ravioli – une sauce courte, délicieuse, pommadant presque la saisie de ris de veau, ainsi que les moelleux raviolis qui vous en nappent la langue et le palais. J’ai, moi, préféré le carpaccio de boeuf strié d’une mayonnaise aux câpres (goûteuse à vous flanquer la berlue!) et semé de basilic ciselé et de copeaux de parmesan. De temps à autre, le sommelier, le maître d’hôtel ou un serveur vient s’assurer discrètement que tout va bien. La suite nous propulse un étage plus haut dans la hiérarchie des ciels. Mon amie a choisi le "Spécial veau" et s’est convertie au pinot grigio (Valdadige, 2007). Quatre escalopes, quatre préparations différentes: saltimbocca, à la Brus, parmigiana et… celle auquel je n’ai pas eu le temps de goûter, mais qui a laissé sur son passage un sourire à vous rendre jaloux. Je me rattrape un peu avec les trois premières – saveurs de parmesan, de tomates fraîches, de truffes… – avant d’attaquer… taram!… la mémorable assiette de fruits de mer. À dire vrai, elle semble encore une fois moins géante qu’"autrefois". Je me raviserai plus tard quand, avec regret, je devrai y laisser une cuisse de grenouille et une bouchée de langoustine. Pour le moment, ma fourchette ne tient pas en place, pressée de me renseigner sur les divers apprêts qui composent mon assiette. Eh oui: à chaque élément sa propre sauce, et chacun de ces fruits de mer grillés à la perfection renouvelle à sa façon le plaisir de goûter. Le demi-homard disparaît le premier; une, deux langoustines se résignent au même sort. Les moules ne tiennent pas tête longtemps; les palourdes arrivent à la rescousse, puis c’est au tour des crevettes… Il y a là du riz, de bon goût, mais pas assez cuit. Les cuisses de grenouilles manquent un peu de sel, mais je leur trouve ici ou là un peu de sauce chez leurs compagnons. Et, plus tard, bien plus tard, les cafés sont les bienvenus. Les desserts seraient de trop, mais pas les petites gâteries qu’on nous apporte d’office: macarons, truffes au chocolat, biscuits… "Je suis crevé", dis-je enfin. C’est un lapsus, car je voulais seulement signifier que je suis rempli.
Ristorante Michelangelo
3111, chemin Saint-Louis
Sainte-Foy (Québec)
Téléphone: 418 651-6262
Table d’hôte: 40 à 55 $
Suggestions du chef: 19,25 à 38 $
Menu du jour: 19,75 à 27,25 $
Dîner pour deux (incluant boissons et taxes): 157,18 $