Restos / Bars

Le Tajine : Quand l'appétit va tout va

Le Tajine confirme à sa façon ce qui se dit de bien de la cuisine marocaine.

En réservant, nous nous sommes bien assurés qu’il fallait amener sa boisson et nous en avons pris bonne note. C’était compter sans la faim. Ventre affamé n’a pas d’oreilles, dit-on. Pas de mémoire non plus. Nous sommes donc arrivés les mains vides. Au moment où l’on nous apporte de l’eau – avec un grand sourire, emblème de la maison -, je me rappelle: zut, le vin!… Nous n’avons ni l’un ni l’autre envie d’aller explorer les environs pour dénicher un dépanneur. Nous nous rabattons sur les formules de circonstance, à savoir que l’eau est la meilleure des boissons et autres consolations. Mais il est vrai qu’elle est bonne, cette eau. Mais servie, non pas fraîche, mais glacée – comme un peu partout… et comme il ne faudrait pas.

Pour la forme, mon regard s’offre un petit tour d’horizon ponctué de brèves haltes sur une assiette décorative, un miroir ou un tableau de cuivre martelé. L’endroit est confortable, agréable et bien tenu. Ici, un groupe de clientes célébrant l’anniversaire d’une des leurs; près de là, un couple qui mange en silence. Non loin du comptoir occupant le fond de la pièce, deux clients terminent leurs desserts. Nous? Aux premiers balbutiements d’un choix… papillonnant, si l’on peut dire.

Aucun problème en ce qui concerne le début, car nous commencerons par la harira (plutôt que par le V8). Hoummous, feuilles de vigne, zaalouk (purée d’aubergines, tomates, oeuf, olives) et pastilla figurent plutôt sur la carte du soir. Au lieu de se disperser et de proposer une carte qui vous en met plein la vue, l’établissement se limite aux tajines et aux couscous quant aux plats de résistance (c’est-à-dire en plus des à-côtés, des soupes et des entrées). Il ne fait que cela et le réussit à merveille. Nous voletons d’un tajine à l’autre, d’un couscous à l’autre. Ils sont au poulet de grain, à l’agneau, aux olives violettes du Maroc, aux merguez, aux légumes, aux boulettes de viande, au kefta, au rosbif (viande marinée) ou encore au veau de lait. C’est ce dernier que je finis par choisir (en tajine). J’avais longuement médité sur le couscous royal combinant agneau, poulet, merguez, kefta et légumes, mais: "Tu ne seras pas capable", avait déclaré tout bas mon amie, elle que je surnomme parfois le baromètre de mon appétit. Elle se décide elle-même pour un couscous.

Nos soupes s’amènent assez vite. "Harira bien qui rira la dernière", dis-je, comme chaque fois que mon amie choisit ce potage délicieux, parfumé à la coriandre et au cumin. Quelques pois chiches s’y mêlent à une abondance de lentilles. La texture est on ne peut plus crémeuse. Une petite réserve, aujourd’hui: un peu trop de sel! Mon amie s’empresse de nuancer: "Un tout petit peu trop." Son bol est déjà vide; je me hâte de terminer. Son couscous s’amène peu après, fumant, garni de keftas, de merguez (très piquantes) et de légumes (pois chiches, carottes, haricots jaunes et verts, pommes de terre, chou). La semoule s’est imprégnée du jus réduit de tous ces ingrédients qui ont cuit lentement; chaque bouchée en est un savoureux témoignage. Mon amie ne lésine pas sur la harissa. Quand on découvre mon tajine, un parfum capiteux s’en échappe et je hume de tout mon moi. La sauce, abondante, a le goût de ce parfum-là. Abricots et noix de Grenoble s’éparpillent autour d’une belle tranche de veau de lait bien cuite. On m’a servi à part une semoule fine, étoilée de nigelle – "la graine aux 99 maladies", m’explique celle qui prend soin de notre table, évoquant pour nous les nombreux maux que peut combattre cette plante. J’aime mieux ça que d’avaler des comprimés. Ainsi, ma gourmandise d’aujourd’hui est d’ordre thérapeutique. Ah! je comprends… C’est donc pour cela que je vais mieux à chaque bouchée!

Forcément, il arrive un moment où je me sens trop… mieux. J’appelle un café à la rescousse et tente de faire la sourde oreille aux baklavas qui se posent sur notre table. "Il est bon…" insiste mon amie en tendant vers moi sa mielleuse tentation. Je parviens à dire non. Elle revient à la charge, alors qu’on lui sert son thé à la menthe. Inflexible je suis. "On vous l’emballe?" me propose-t-on. Alors, je cède. Et j’ai droit à tout un doggie bag: mon dessert, bien sûr, mais aussi ce que je n’ai pas pu finir de mon tajine.

Le Tajine
1333, rue Provancher
Cap-Rouge
Tél.: 418 659-6781
Menu du jour: 10,95 à 14,95 $
Table d’hôte: 18,95 à 23,95 $
Dîner pour deux (incluant les taxes): 30,37 $

LÉGENDE

Grande table:
Très bonne table, constante :
Bonne table :
Petite table sympathique :
Correcte mais inégale :