Restos / Bars

Les Bossus : Porte-bonheur

Les proprios n’avaient pas choisi sans raison d’appeler leur bistro Les Bossus. J’avais moi aussi souhaité que ce nom lui porte chance: tout porte à croire que c’est le cas.

Les débuts m’avaient semblé hésitants, mais animés d’une passion assez proche de la ferveur. C’était il y a trois ans. Depuis, j’ai remis les pieds dans ce resto deux ou trois fois, par plaisir égoïste, c’est-à-dire sans carnet et sans stylo. Je n’ai pas eu à m’en plaindre. Ce soir, la longue salle à manger, bondée, bourdonne faiblement du bruit des conversations mouchetées ici et là d’un petit rire d’enfant. Nous attendons au bar qu’une table se libère. Deux clientes s’installent bientôt près de nous, plus chanceuses qu’un groupe de touristes qu’on a dû refuser. L’atmosphère est à la bonne humeur et, parfois, des regards qui se croisent s’accompagnent de sourires. Nous avons fini par trouver place à une table (plutôt basse). L’Étoile a tout de suite attiré mon attention: il s’agit d’une des grandes photographies en noir et blanc, signées François Fiset, qui s’intercalent entre les miroirs encadrés jalonnant le mur de brique. Des apéros? Non, merci. Nous revenons d’un cinq à sept où je n’ai pas voulu manger, craignant de gâcher mon appétit. Furieux, ce dernier crie maintenant vengeance et, si je ne me retenais pas, je prendrais une bonne "mordée" de la petite carte. Nous avons tout de même droit à deux petits verres de McKeown ("Cidre de la Montagne rouge"). Que choisir au plus vite? Escargots au Pernod? Excellents: j’y ai déjà goûté ici. Idem pour les tartares de saumon et de boeuf. Les rillettes de lapin itou. Le céleri rémoulade, les endives au roquefort et l’assiette de saumon fumé restent au nombre des inconnus, si je puis dire. Va pour le potage du jour. Mon amie se passera d’entrée. Ayant choisi son plat de résistance, elle se commande du vin australien pour l’accompagner (Shiraz, Deakin Estate, 2005). Mon regard dérape à chaque plat qui passe – salade landaise, bavette à l’échalote, confit de canard… Ceux que je ne parviens pas à identifier, je leur donne un nom choisi au hasard sur la carte: rognons de veau à la moutarde, ris de veau, steak de thon rouge, pétoncles à la provençale. Je lis "poulet portugais", et des souvenirs montréalais me reviennent en vrac. Ce sera cela. Arrive, pour commencer, mon velouté de poivrons. Son fumet le devance de quelques mètres et, quand il se pose devant moi, je suis prêt à parier qu’il embaume la ville. "On croirait entendre une histoire de pêche", rigole mon amie. Mais elle admet, blague à part, que ce parfum réjouit l’odorat – et aussi le palais, précise-t-elle après avoir goûté au potage qui, une fois en bouche, libère un arôme discret de coriandre. Il ne lui manque, à mon sens, qu’un soupçon de sel… et un peu plus de velouté. Mon bol reparti, vide, je fantasme déjà sur le poulet portugais qu’on mijote pour moi. Entier? Une moitié? Peut-être un quart, pour être raisonnable. Aucune de ces réponses. Trois (beaux) blancs de poulet pommadés d’une sauce rouge avec, de part et d’autre, une généreuse portion de frites mayo et une salade verte chapeautée de betteraves râpées. Je m’attaque d’abord à la garniture, qui se révèle délicieuse: vinaigrette au goût subtil, betteraves assaisonnées à point, frites tendres et dorées. Au moment de m’intéresser au poulet, j’ai l’impression de me résigner, mais la première bouchée refoule mes appréhensions. La deuxième efface de mon esprit ma première déconvenue… visuelle. Dès la troisième, j’atteins ma vitesse de croisière. "Tout va comme vous voulez?" demande notre serveur. Mes commentaires ne peuvent être qu’élogieux – pour la chair tendre et juteuse du poulet (chose de plus en plus rare!), le savant dosage des épices (coriandre, cumin, etc.), l’onctuosité de la sauce-coulis de tomate… malgré une certaine déception. "On le fait entier de temps en temps… Les gens se l’arrachent…" Pourquoi ne pas le mettre en permanence sur la carte? Entre-temps, mon amie a joué de la fourchette dans son assiette sans perdre un mot de la conversation, confirmant tout le bien que je disais du volatile (auquel elle a goûté) et de ceux qui l’ont apprêté. Parlant de ses penne au pesto et brie, elle assure qu’on ne saurait faire mieux. Je devine, à sa mimique, l’urgence pour moi d’y aller faire un petit saut. Pâtes cuites sans excès, mais cuites, intimement liées de crème et de vin blanc. Une tranche de brie coiffait les penne à leur arrivée; elle a fondu, beaucoup fondu, mais il subsiste la croûte, presque défaite, et quelques moellons qu’on laisse traîner en bouche. C’est aussi avec une sensation de moelleux, mais en version chocolatée et sucrée, que nous terminons la soirée : café corsé et truffes maison.

Les Bossus
620, rue Saint-Joseph Est
Québec (Québec)
Télécopieur: 418 522-6167
Téléphone: 418 522-5501
Menu du jour à partir de 9,95 $
Plats à la carte (soir): 12,75 à 25,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 43,01 $

LÉGENDE

Grande table:
Très bonne table, constante :
Bonne table :
Petite table sympathique :
Correcte mais inégale :