Le restaurant est plein. Nous nous en doutions bien, vu le temps passé à "virailler" pour trouver un stationnement. Mais tout est bien qui… commence bien, c’est-à-dire par un accueil poli et souriant. Un piano joue en sourdine. Nous ne nous faisons pas prier pour choisir un apéro. Ma compagne opte spontanément pour un rosé provençal (Pétale de rose, 2007) dont l’extrême pâleur n’affecte ni le bouquet ni le goût. Je me suis fait énumérer les bières disponibles, dont la Stella Artois et la Brahma. Cette dernière n’ayant d’agréable que sa pub télé, je m’en remets à la belge pour le plaisir et pour le goût. Tchin!… Et la carte se met à nous conter fleurette. Même celle du midi propose l’accord mets et vins, c’est vous dire!…
Celle qui nous intéresse ce soir commence par les entrées froides et chaudes, verdurette de saison aux micropousses biologiques, rosace de pétoncles marinés des Îles au vin rouge et poivre rose, carpaccio de cerf rouge, velouté du moment, "étagée" de légumes et autres aveux convaincants. L’un des serveurs s’amène et nous précise les détails de la table d’hôte, expliquant, décrivant par le menu (c’est le mot!) chaque plat et ses accompagnements, de la côte de porc grillée au caribou de la toundra rôti aux cinq poivres. À chacun des énoncés, je crois avoir pris une décision. Je passe ainsi de la poitrine de canard du lac Brome (laquée au miel épicé) à la flambée de pétoncles et crevettes accommodée de pastis, puis au filet de saumon, puis… Et quand il nous a tout raconté, je me retiens de dire: "Encore!" Nous méditons longuement ses paroles en compulsant pour la nième fois la carte. Et, soudain, un choix s’impose à moi. "Tu es prêt?" demande ma compagne, car elle l’est. Et tandis que s’active le personnel des cuisines, le chef Steve Levasseur aux commandes, on nous amène, avec deux verres de cidre de glace, des "mises en bouche" qui s’avèrent un véritable régal: escalope de foie gras poêlé (poivre et fleur de sel), pain brioché, petit gâteau de patates douces, gelée d’argousier, émulsion de banyuls, micropousses de betteraves. Si longues à contempler et si vite disparues!…
Mais nos vrais premiers plats arrivent, soit, pour mon amie, le velouté du moment. Il s’agit d’une chaudrée de palourdes et de pétoncles aux champignons, parfumée de fenouil et semée de ciboulette ciselée. Une réduction de confit d’oignon lui dessine un diamètre. Beau, bon, parfait: je n’ai pas souvent dit cela d’un velouté. De mon côté, j’ai la délicieuse corvée d’une trilogie de rillettes (lapin, canard et pintade) servie sur champignons sauvages marinés au xérès avec, tout contre, un chutney de canneberges et d’abricots, des feuilles de mâche et un biscotto aux tomates séchées. Y a-t-il des limites à l’euphorie? La suite répond bientôt par la négative à cette question. Nos assiettes reparties, nous nous en consolons avec la carte des vins, intelligente et variée, qui ne cesse de s’enrichir de produits d’importation privée. Nous en causons un peu avec la sommelière, et mon amie choisit cette fois un blanc australien (D’Arenberg, McLaren Vale, The Helmut Crab, 2005). Et nos plats de résistance s’amènent. Cube de thon façon tataki, bien saisi partout (centre cru), sauce aux agrumes, curry et lait de coco, "superposé" de poireaux à l’oseille, tuile de parmesan (pas trop salée, ô miracle!) et, pour compléter la présentation, un petit verre de granité au céleri, lime et tequila: la première bouchée vous tire une exclamation du genre "C’est pas possible"… parce que les superlatifs vous manquent et qu’il y a plus urgent à faire que d’en chercher. "Ça chante dans ma bouche", murmure mon amie, résumant par la même occasion ce que j’ai ressenti en goûtant à ce plat. En ce qui concerne ma propre assiette, les choses sont au beau fixe… je dirais même au beau progressif. Une pomme de ris de veau rôtie, nappée de sauce minute au porto blanc, coiffée d’une demi-poire rissolée au beurre et parsemée de pignons de pin torréfiés. Des pommes rattes grillées constituent la garniture. J’invite mon amie à y goûter, d’un geste, parce que les mots sont superflus ou que les grandes émotions sont muettes. Et nous concluons d’un dessert à la demi-banane flambée au caramel sur sandwich glacé au beurre d’arachides… Fabuleux!
Restaurant L’Intimiste
35, avenue Bégin
Lévis
Tél.: 418 838-2711
Menu du jour: 11 à 18 $
Table d’hôte: 32 à 47 $
Plats à la carte: 18 à 33 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 121,31 $
LÉGENDE
Grande table:
Très bonne table, constante :
Bonne table :
Petite table sympathique :
Correcte mais inégale :
Pour d’autres critiques, consultez le site www.guiderestos.com