Ce n’est pourtant pas mon genre, ce style de resto urbain branché à la faune Saint-Laurent. Mais, en fait, il suffisait d’inviter mes boys, deux beaux gars à la chemise échancrée, pour retrouver l’atmosphère des soirées un peu sautées. En commençant par une petite bière sur l’immense terrasse de ce Koko, écrasés dans un généreux sofa blanc. La conversation virevolte entre politique et sexe, c’est normal. Quand la faim nous taraude, la ravissante serveuse nous prie de rentrer nous asseoir à notre table. Parenthèse esthétique peu masculine: la salle est splendide, drapée de blanc, aux lustres étincelants. Impressionnés, nous sommes. Pourtant, les lieux en ont vu d’autres… L’hôtel, maintenant Opus, a été revampé avec beaucoup de goût et autant de dollars par un groupe de Colombie-Britannique, et le resto a ouvert ses portes il y a quelques mois. Difficile d’imaginer que dans ces murs, avant qu’ils ne deviennent hôtel, on pouvait entendre résonner les longues répétitions de la gang des Colocs!
FUSION
Aujourd’hui, c’est plutôt la gang du Cirque du Soleil qui vient fêter. Il parait que les vendredis et samedis sont comme ça. Des partys hallucinants où l’alcool coule à flots. Mais un jeudi soir, c’est plutôt tranquille. Nous avons amplement le temps de nous faire expliquer cette carte aux notes résolument asiatiques. Don Letendre, aussi chef exécutif de l’Opus de Vancouver, propose ici une version très personnelle de la cuisine d’Asie. De l’Indonésie à la Chine, du Japon à la Thaïlande, il tente visiblement de nous aérer les papilles par un menu affriolant. Première proposition: un tartare de boeuf "à l’asiatique, croustilles de racines de lotus". La longue assiette rectangulaire, sobre, présente donc un boeuf bien coupé, mais à la saveur plutôt sucrée (bizarre) et des chips étranges, intéressantes, mais qui peinent à corriger la douceur du tartare. On se tourne donc vers les calmars, bien croustillants, servis avec de savoureuses aubergines marinées. La mayonnaise Kew Pie (la Hellmann’s japonaise, couleur paprika) est un peu sucrée, décidément. Coup d’oeil (et de fourchette) en direction du boeuf tataki, sa salade d’algues et ses croustilles d’ail. Mignon comme tout. Croûte savoureuse, intérieur fondant: on se régale. Même conclusion du côté du thon ahi (rouge) et de sa salade de fenouil, pomme et concombre, rehaussée d’une sauce "umeboshi" aux prunes. C’est joliment présenté et délicieux.
Faisant fi des charmants conseils de notre serveuse (partager plusieurs entrées en tapas), nous réclamons les plats. En commençant par une des spécialités: le saumon noirci style bengale et sa salade de mangues. Un filet un peu trop cuit, c’est dommage, bien grillé pour qu’il soit noir, accompagné d’excellentes lentilles au cari indien. Pour un de mes cocos, c’est un nabe (comprendre pot) de morue noire servie dans un bouillon miso où nagent quelques morceaux de tofu et de champignons. La portion de morue, plutôt misérable, fait oublier que l’ensemble est succulent. Heureusement, les côtes de boeuf braisées à la coréenne (avec du kimchee, un choux chinois épicé) remontent le moral. Note: si la première assiette servie était froide, la seconde fut impeccable.
DOUCEUR
Nous sommes ressortis en terrasse le temps des desserts. Et d’une bouteille bien moelleuse. Plutôt réchauffés, nous avons adoré le "sushi et fruit pressés à la mode Osaka", fines tranches de fruits exotiques en sorte de terrine, et le kulfi malte, des bananes caramélisées et nappées de sauce au lait et chocolat décadentes. Un beau moment.
EMBALLANT /
Les entrées sont très généreuses. Parfaites, effectivement, pour composer un joyeux menu style tapas. La carte des vins comporte des risques de dérapages incontrôlés, mais en choisissant bien (comprendre sobre), on peut s’amuser à un prix sensé. Le plaisir: on a terminé la soirée en naviguant d’un bar branché à une version carrément plus trash pour finir par se dire, c’est vrai, que le boulevard Saint-Laurent, c’est cool.
DECEVANT /
On dit que c’est l’influence nord-américaine qui pousse à sucrer bien des plats asiatiques. Dommage lorsqu’on est amateur de cuisine bien relevée et agressive. Authentique, quoi.
COMBIEN? /
Ne comptez surtout pas vous en sortir à moins de 40 $ par personne. Mais pour admirer les dernières tendances en matière de mode, c’est presque donné, non?
QUAND? /
Tous les jours, de 17 h à 3 h. On recommande un style de vêtement: "chic urbain". À vous de voir.
OU? /
Koko
8, rue Sherbrooke Ouest, angle Saint-Laurent
Réservation recommandée, surtout les vendredis et samedis
514 657-5656
www.kokomontreal.com
Pour d’autres critiques, consultez le site www.guiderestos.com