Restos / Bars

Laurie Raphaël : Cuisine sensuelle

Sans cesser de mettre les petits plats dans les grands, Laurie Raphaël se révèle encore plus accueillant.

Un midi faste, dans un décor moderne et distingué: ainsi pourrais-je résumer ma plus récente visite au Laurie Raphaël. Ça vous rajuste le moral le plus délabré quand le souvenir des Hanna, Ike et consorts continue de hanter le climat. La terrasse est déserte, et pour cause. À l’intérieur, alors que nous passons au vestiaire, je me renseigne du regard sur l’ambiance de la salle à manger: les dîneurs sont nombreux… et calmes comme s’ils étaient tous en vacances. Vues de loin, les assiettes donnent immédiatement l’envie de les voir de près. On nous conduit bientôt dans une aile bien éclairée de l’établissement, confortablement meublée et aménagée avec goût. D’autres clients nous y ont précédés, dont un bébé qui fait partie d’un petit groupe. "Ça doit être votre plus jeune client", dis-je à notre serveur, en riant, au moment où il nous sert nos apéros – une Blanche de Chambly et un blanc… de Nîmes (Lou Coucardier, 2002). La carte est sobre et ordonnée; on la qualifierait même de laconique. Intéressante stratégie, qui passe outre les descriptions emphatiques pour vous réserver la vraie surprise… dans l’assiette. D’où, sans doute, le sourire béat de ce couple, à quelques pas de moi. J’ignore ce qui se mange à leur table, mais je salive de concert avec eux. Que ce soit pour le pavé de saumon au coulis de piment fumé, pour le boeuf Angus ou pour les cappellettis aux buccins et escargots… Tout près, une cliente se réjouit autant: elle a choisi, comme nous l’explique notre serveur, le menu "Chef Chef" – destiné à "ceux qui aiment les sauts en parachute et les dégustations à l’aveugle". Notre commande passée, nous entretenons notre appétit par un peu de lecture: la carte du soir que nous avons demandé à voir. Foie gras, coquillages de la Côte-Nord, pétoncle géant du Maine, thon de l’Équateur, agneau de l’Estrie à l’huile d’argan… Il était temps qu’arrive mon potage, en l’occurrence un velouté de courge spaghetti orné d’un idéogramme dessiné au pistou avec, sur le large rebord de l’assiette creuse, quelques "spaghettis" coiffés d’une fleur de basilic. L’odorat et la vue ont déjà leur compte. Le goût ne sera pas en reste… Ce velouté porte bien son nom et, pour ce qui est de l’assaisonnement, rien n’y est de trop – aucune épice, aucune herbe n’y dominent. La saveur de la courge s’en trouve rehaussée, par contraste. "Cela va de soi", dis-je à mon amie. Elle fronce les sourcils, perplexe, mais je me comprends. Elle s’intéresse de nouveau à son entrée – bar sauvage (chair fine et délicieuse), brocolis en tempura et en purée, petits pains à la farine biologique dont on nous avait proposé toute une gamme. Sa faim qu’elle a cru un moment assoupie se réveille dès qu’arrive le gâteau de poisson: une énorme croquette (bar, saumon et crevettes) accommodée de beurre blanc et posée sur un lit de nouilles soba. Betteraves, tomates, maïs, courgettes et tétragone composent la garniture. "C’est beaucoup trop bon pour un midi", déclare mon vis-à-vis entre deux bouchées. Certain que son "bon" inclut "copieux", j’acquiesce et lui montre pour preuve ma propre assiette. Ragoût de joue de veau et risotto aux champignons: c’est ce qu’annonçait la carte, sans mentionner, évidemment, que le gigantisme des morceaux de viande risque d’en effrayer plus d’un. Bien cuite, comme il se doit, mouillée de sa sauce (jus de viande et vin rouge) presque saturée de saveur, elle finit par m’apprivoiser. Moi qui boude d’habitude le risotto, lui préférant la polenta, je me régale de celui-ci, onctueux on ne peut plus, parfumé à la pâte de truffes, garni de larges tranches de pleurotes et pomponné d’une poignée d’enokis. Une "branche" de tatsoy ajoute de la verdure à tout cela. À mesure que nous approchons de la fin, nos bouchées se font moins hâtives. Quelques minutes plus tard, repus, nous repoussons nos assiettes en rêvant cafés et longue promenade digestive. Mais, "quelque diable nous poussant", comme dirait La Fontaine, nous commandons un dessert… par curiosité. "Avec deux cuillers!" précise mon amie. On nous apporte deux desserts – soit un gâteau éponge avec mousse de chocolat blanc, sorbet à la mangue et au fruit de la passion, ganache, plus, devant moi, une barbe à papa à l’érable coiffant un petit verre de crème à l’érable et pêche de vigne. Nous fêtons quoi, au juste, ce midi?

Laurie Raphaël
117, rue Dalhousie
Québec (Québec)
Téléphone: 418 692-4175
Menu du jour à partir de 17 $
Menu midi "Chef Chef": 25 $
Table d’hôte gastronomique: 94 $
Vins d’accompagnement: 60 $
Dîner (incluant boissons et taxes): 67,73 $

LÉGENDE

Grande table:
Très bonne table, constante :
Bonne table :
Petite table sympathique :
Correcte mais inégale :

Pour d’autres critiques, consultez le site www.guiderestos.com