Penché au-dessus du comptoir, armé d’une fourchette, le chef Éric Gonzalez (Ferreira Café) déguste lentement un plat de turbot, pomme de terre ratte et d’huîtres fumées réalisé par le chef du M sur Masson, Jean-François Vachon. "Sympa, les huîtres fumées, tu travailles ça comment ?" s’enquiert le chef Stelio Perombelon (Les Cons servent) tandis qu’il partage une assiette avec Patrice Demers (Laloux). Pendant que Jean-François explique sa recette, le chef Alexandre Gosselin (Le Local) commente l’accord mets et vins avec le sommelier Stéphane Leroux du Leméac, tandis que Martin Juneau (La Montée de lait et Le Bouchonné) fait son entrée en cuisine, les bras chargés de produits appétissants.
CUISINE FRANÇAISE
Dans son coin, Richard Bastien suit la conversation tout en surveillant attentivement sa pâte feuilletée qui lève tranquillement au four en prévision du prochain service: une soupe VGE, servie en hommage à Paul Bocuse et sa fameuse recette préparée pour la première fois en 1975 pour le président de la République française Valéry Giscard d’Estaing. "Cette année, le souper de La Vittoria rend hommage à la France en revisitant de grands classiques", explique Johanne Demers, l’organisatrice de cette soirée gastronomique prestigieuse au profit de la Fondation du cancer du sein du Québec, sous les auspices de l’ambassadeur de France au Canada. Devenu une tradition annuelle, ce souper exclusif réalisé par une brigade d’exception devrait permettre de récolter près de 225 000 $. Cette année, l’événement présidé par Stéphane Boisvert, président de Bell Canada, et son épouse Nathalie Le Prohon se tiendra au Musée des beaux-arts le 1er novembre et rassemblera 180 invités.
LA BATAILLE DES ASSIETTES
Ce matin, les chefs, tous bénévoles, se réunissent pour une répétition générale de l’événement dans les cuisines du restaurant de Richard Bastien, le Café des beaux-arts: il s’agit de tester les succulents plats et vins qui seront servis. "Finalement, Johanne, avez-vous pu trouver les bols à tête de lion pour servir la soupe?" s’enquiert Éric Gonzalez à qui Johanne a confié la direction de sa brigade de rêve cette année. "Ça y est, après le débat autour des champignons et du foie gras, la bataille des assiettes commence!" s’amuse l’organisatrice en examinant avec le chef la vaisselle qu’elle a dénichée. "D’habitude, il y a un seul chef en cuisine; là, nous allons être neuf, c’est sûr que cela prend des ajustements pour faire le choix des assiettes, déterminer qui servira du foie gras et quels champignons on pourra utiliser dans nos recettes… Le débat reste amical mais chacun défend son bout de gras! explique Stelio Perombelon en riant. Mais tu vois, j’ai réussi à réserver les cèpes pour les servir avec mon suprême de pintade, donc tout va bien!" déclare-t-il avec malice tout en se mettant à son tour aux fourneaux.
"C’est un plaisir de travailler tous ensemble. Tout le monde veut participer à l’événement et il y a même des chefs qui font pression pour se joindre à l’équipe!" déclare Patrice Demers qui a déjà promis à son complice au Laloux, Marc-André Jetté, qu’il le laisserait jouer son assistant de luxe pour la soirée.
"J’ai commencé à organiser cet événement par passion pour la gastronomie et le travail des chefs d’ici. Ma récompense, c’est de les voir travailler, eux et leurs brigades: plus de 40 personnes réunies dans une micro-cuisine, le défi que cela représente, la solidarité dont ils font preuve pour que tout soit impeccable… et le résultat final, toujours époustouflant", poursuit Johanne Demers. Des canapés luxueux, six services rivalisant de créativité élaborés avec des ingrédients de première fraîcheur, un pré-dessert, un dessert et une "sortie" (des macarons et une sculpture en chocolat concoctée par le chocolatier Christophe Morel), en plus d’une carte des vins prestigieuse: la soirée, sous la direction artistique de Christian Bégin, promet d’être mémorable. "Tout se doit d’être parfait car La Vittoria, c’est un cri du coeur, celui des femmes qui guérissent de cette terrible maladie. La statue de la Victoire (Vittoria en italien), une femme représentée avec la poitrine nue et une couronne de laurier, il y en a une à Montréal au pied du mont Royal, mais Vittoria, c’est surtout le prénom de la fille d’une de mes amies, qu’elle a finalement réussi à mettre au monde alors qu’elle pensait ne plus pouvoir avoir d’enfants après avoir guéri d’un cancer du sein."