Restos / Bars

Que Sera Sera : Futur simple

Que Sera Sera reste fidèle à lui-même, proposant une cuisine saine qui ne manque pas de cachet, et qu’on apprécie sans en attendre l’extase.

C’est du côté des "Suggestions du mois" que nous nous attardons d’abord: quelques vedettes de la table d’hôte et leurs vins d’accompagnement. Mais, vu que notre appétit tarde encore un peu à se réveiller, nous feuilletons les pages de la carte sans hâte, nous arrêtant parfois pour zyeuter une assiette ou une autre. "Les orchidées sont encore là…" murmure mon amie. En effet. Et elles éclatent de blancheur dans les niches du mur, derrière moi. J’en vois aussi, dans une autre partie de la salle à manger, là où nous avions voulu nous installer. "Je préfère vous garder ici avec moi… pour pouvoir vous offrir un meilleur service", avait dit l’unique serveur. La raison évoquée en vaut une autre. Ce qui nous dérange, là où nous sommes, c’est l’éternelle exiguïté des tables rectangulaires. Les rondes, alors, nous font envie… Un parfum nous distrait de ces petites préoccupations de confort et nous "impose" une faim soudaine. "Ventre affamé n’a point d’oreilles, mais il a un sacré nez!" comme disait Alphonse Allais. Deux beaux jarrets d’agneau servis au couple qui se trouve à ma droite. Et, d’un mouvement unanime, nous nous rabattons sur la carte que nous commencions à oublier: tartare de saumon classique, bruschetta, magret de canard poêlé, bavette de bison grillée, pâtes au prosciutto… Ponctuation: deux gorgées du Codorniú que nous avons choisi comme apéro. Ce sont ensuite la "volaille manchonnée", le filet de boeuf de l’Alberta, le saumon en croûte d’amandes… Une jeune employée s’amène à l’improviste et pose une corbeille de pain sur une table, puis disparaît. Un peu plus tard, quelqu’un d’autre apportera du vin à un jeune couple arrivé depuis peu et s’éclipsera tout aussi promptement. "Ils devraient rester plus longtemps", dis-je. En effet, plus la salle se remplit, plus le serveur semble aux abois, débordé bien que faisant de son mieux. À sa place, je demanderais une paire de patins à roues alignées… "Vous êtes prêts à commander?" Nous acquiesçons. Nos premiers plats arrivent avant que nous n’ayons eu le temps d’envier les clients qu’on a déjà servis. Mon tataki de thon, criblé de sésame, se prélasse sur une tombée de fenouil au carvi, escorté d’un ceviche de pétoncles particulièrement acide – trop acide, même pour mon amie qui vous déguste des citrons comme des friandises. J’ai aussi droit à des caprons en vinaigrette… du même acabit. Seul le poisson, délicatement saisi et savoureux, trouve grâce à mes yeux – et aussi les chips de taro que j’ai failli ne pas remarquer. Ma compagne a choisi des rouleaux de crevettes marinées au citron vert et à la citronnelle, en l’occurrence une abondance de crevettes mêlées de germes de soja, de micropousses, de carottes effilochées et de coriandre fraîche. Cela se mange avec le sourire, à petites bouchées confiantes. Nos assiettes reparties, mon amie se commande un verre de rosé (Château de Nages, Costière de Nîmes, 2006) pour affronter la suite, qui d’ailleurs ne tarde pas. Il s’agit de raviolis de homard posés sur un lit de champignons sauvages sautés aux oignons rouges. La sauce est à la crème de brandy et au curry. Pour la verdure, quelques asperges et des micropousses. Il n’y a certes pas lieu de tomber en pâmoison, mais la vue y trouve son compte et le goût n’est pas en reste: on apprécie autant la combinaison des ingrédients que la variété des textures et l’équilibre des saveurs. J’avais spontanément opté pour la "dorade cuite doucement au four, chou braisé deux couleurs, fumet de poisson émulsionné au fromage de chèvre". J’ai presque tout cela. Presque, parce qu’il ne restait plus de dorade et que j’ai accepté qu’on me la remplace par du flétan – un filet fort sympathique d’aspect qui, en bouche, vous accorde ce que vous attendez de lui: saveur et finesse. Comme d’habitude ici, et comme en certains autres lieux, le riz est servi al dente. Il faudrait instituer un cours sur la cuisson du riz! Ou, s’il existe déjà, le réviser du tout au tout. Mon amie rigole… J’ai droit aussi à des légumes, croquants mais tendres, cuits juste à point. Et la sauce!… Une réussite!… Un rêve onctueux qui vous dorlote le palais! Il y en a si peu, à peine une trace dans l’assiette. J’en redemande, on m’en apporte. Il n’en reste bientôt plus, mais je n’ose pas encore une fois déranger le serveur qui toujours seul, se démène aux quatre coins de la salle à manger. Quand la carte des desserts nous est présentée, nous éclatons de rire tous les deux, mon amie et moi, car nous venons de nous dire qu’il ne nous reste même pas une petite place pour une gorgée de café.

Que Sera Sera
850, place D’Youville
Québec (Québec)
Téléphone: 418 692-3535
Plats à la carte: 26 à 32 $
Table d’hôte: à partir de 37 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 109,49 $

LÉGENDE

Grande table:
Très bonne table, constante :
Bonne table :
Petite table sympathique :
Correcte mais inégale :

Pour d’autres critiques, consultez le site www.guiderestos.com