Deux braves mangent tranquillement sur la terrasse, confortablement installés dans le puits de chaleur généré par la chaufferette. "Ah non!" fait ma compagne qui me sent hésiter. "On sera mieux à l’intérieur… Et puis, frileux comme t’es…" On ne dit pas "frileux"; on dit "normal". C’est donc en riant que nous entrons dans ce petit resto – chaud dans tous les sens du terme. Accueillante, la serveuse, qui fait du regard le tour de la salle pour nous offrir une bonne place; accueillant, le patron, qui se penche par-dessus le haut comptoir pour nous dire bonsoir, ça fait longtemps, content de vous revoir et autres petits mots dont les clients se souviennent. La salle à manger sent bon. Ce soir, les clients, nombreux, sont tous anglophones, mais s’efforcent de temps à autre de parler un peu français à la serveuse. En cette dernière journée du Sommet de la francophonie, j’apprécie.
Mais je suis venu pour apprécier bien autre chose, les éventuelles nouveautés: il y en a toujours, calzones ou pizzas, à chacune de mes visites. Au lieu de chercher à les repérer tout de suite, nous attaquons la carte par le début: pain à l’ail (gratiné ou pas), saumon fumé, nachos de la Casa, soupe à l’oignon gratinée, salades… Ponctuation: Belle Gueule blonde et vin rouge maison (Montepulciano d’Abruzzo, 2007). Nous trinquons. Un groupe de quatre, installé un peu face à moi, cesse soudain de parler. Quatre calzones se posent en douceur devant eux. Je ne quitte pas des yeux le calzone le plus proche, attendant ce moment que j’aime tant. Ça y est: les ustensiles plongent dedans et il me semble alors que le gros chausson pousse un large soupir en libérant sa bouffée de vapeur parfumée. Bon, une gorgée de bière… pour ne pas déglutir à vide. Et là, ça urge. Spaghetti bolognese, lasagne gratinée, tortellini Marco Polo, terrine de canard aux pistaches, pizza à toutes les sauces – quatre-saisons, marinara, Margherita, sicilienne, parisienne et toutime. Calzones végés… Un jour, peut-être. Ah, voici les "viandeux": Mucho macho (saucisses piquantes, pepperoni, champignons, oignons espagnols); Pavarotti (pepperoni, bacon, champignons), Il Casavanti (bacon, tomates séchées, ail, chèvre, olives noires et basilic). Une petite feuille volante annonce déjà le menu des Fêtes: calzone Da Vinci, pizza au saumon fumé et caviar, pour ne citer que ceux-là.
Mon amie a fait son choix et sirote son vin en silence. Je finis par me décider pour le calzone qui m’a supplié de le choisir. Notre commande passée, j’ai "un flash", comme dirait mon vis-à-vis. La dernière fois, nous avions choisi les mêmes boissons. J’avais aussi choisi la même entrée, soit la mousse de foie de volaille maison au Grand Marnier, qui ne tarde d’ailleurs pas à se pointer, flanquée de deux cornichons et presque entourée de salade. Onctueuse, de bon goût, sans la moindre amertume… mais passible du même petit reproche en ce qui me concerne: le goût par trop discret du Grand Marnier. On nous a servi deux délicieux petits pains chauds maison… qui n’ont pas le temps de refroidir. La soupe servie en face de moi possède les qualités qu’on en attend: chaude, veloutée, copieuse et… dévorable, si l’on peut dire cela d’une soupe. La suite ne se fait pas prier pour arriver. Deux calzones, qui l’eût cru?… Et, là, à notre table, ce petit moment de suspense avant que mon calzone suisse laisse échapper son "ahhh!" que je suis peut-être le seul à entendre. Une sorte de télépathie, on dirait. "Non. On dit "gourmandise"", rectifie mon amie à qui je tente d’expliquer ça. Du jambon, du gruyère, de la mozzarella, des portobellos, de l’huile d’olive aromatisée et du basilic frais qui vous embaume le moral. Chaque bouchée vous résume cela, et tout en nuances. Mon amie a préféré le Mucho macho, très relevé, sur lequel elle a fait couler un peu de cette sauce aux piments servie à part, puis un peu d’huile pimentée. Par chance, j’y avais goûté avant, en évitant soigneusement les saucisses piquantes. Très différent du mien, mais tout aussi délicieux, il se mange de la même façon: avec l’avidité de ceux qui ne voudraient rien laisser. Mais nos assiettes ne repartent pas complètement vides. Elles emportent avec elles des souvenirs de sauce et de champignons. Nous ne leur en voulons pas pour si peu.
Casa Calzone
637, Grande Allée Est
Québec
Tél.: 418 522-3000
Menu du jour: 12,95 $
Table d’hôte: 17,95 $
Menu des Fêtes: 17,95 (midi) et 23,95 $ (soir)
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 66,99 $
LÉGENDE
Grande table:
Très bonne table, constante :
Bonne table :
Petite table sympathique :
Correcte mais inégale :
Pour d’autres critiques, consultez le site www.guiderestos.com