Peu avant l’automne dernier, nous y avions amené des parents de Montréal qui, aujourd’hui encore, en parlent avec des yeux embués d’émotion. Et, cet été, au retour d’une balade inopinée, nous avons eu la chance d’y trouver une table en début de soirée. Je n’étais pas en "mission", cette fois-là. Tant mieux! Cela me permet donc d’y retourner ce soir sans avoir eu à observer un trop long délai… Me voici donc aussi enthousiaste qu’un ado à son premier rendez-vous galant. Dehors, il fait un froid… "sept-bériens", comme aime à dire l’un de mes amis. Nous nous ruons littéralement dans le hall de l’hôtel et, promptement installés dans la salle à manger du resto, nous poussons tous les deux, mon amie et moi, l’un de ces soupirs qui vous libèrent d’une partie de vos soucis. Ce qu’il reste de ces derniers se noie voluptueusement dans nos verres d’apéros: pour moi, un mousseux français (J.P. Chenet) et, pour celle qui m’accompagne, un rosé presque aussi pâle qu’un blanc (Pétale de rose, 2007). Un discret parfum de truffes racole les narines ici et là. Il y a là une dizaine de clients, incluant nous. Moins d’une heure après notre arrivée, toutes les tables sont prises et l’on doit même en installer une à l’improviste – mais avec le même souci du détail qui caractérise le service en général.
À ce moment-là, nous en serons déjà à notre deuxième "amuse-bouche". Le premier, ç’avait été, pour chacun de nous, une crevette de Sept-Îles laquée au poivron rouge et posée sur du foie gras fouetté, délicatement empanachée de minuscules bulles aux truffes et basilic, tout cela piqué d’un cure-dent et posé sur une planchette. Un poème!… Une parfaite combinaison de saveurs et de textures qui, j’en ai bien l’impression, vous emplit de bonté. L’esprit part en cavale, on flotte dans une nouvelle dimension, on se plaît à rêver que le monde se portera mieux demain… Et le deuxième amuse-gueule s’amène, accompagné d’un petit verre de Nekeas (viura/chardonnay, 2007): farfadelle maison aux champignons (huile de truffe, "graton" de chèvre, citron confit) avec, dessus, un oeuf de caille cru. Encore une réussite, un petit concert intime, car ça vous chante partout, dans la bouche, dans la tête, dans le coeur. Autour de nous, on parle tout bas ou à mi-voix. Des regards attendris (ou complices?) se croisent d’une table à l’autre.
J’ignore combien de temps s’écoule avant l’arrivée de nos entrées, bellement servies comme tout ce qui précède et comme tout ce qui suivra. Je n’hésite pas une seconde. J’attaque avec assurance la bedaine de porc croustillante, deux beaux morceaux luisants, avec cette belle épaisseur de gras débarrassé du superflu. On y mord à pleines dents avec le sentiment délicieux de jouer un bon tour – par exemple, à tous ceux qui n’ont pas goûté à ça, n’ont pas dégusté le chou légèrement fermenté, accommodé de moutarde à l’ancienne. Du genièvre Aliksir et des cippollini y apportent, respectivement, leurs nuances de textures et de saveurs. Mon amie n’est pas à plaindre, elle non plus: crostini de champignons frais et mozzarella di buffala semés de micro-pousses fraîches et croquantes – des croûtons qui, avec les champignons et quelques tranches d’oignons rouges, vous jutent sur la langue une sauce suave et aromatique. Elle repousse son assiette d’un air satisfait, et s’offre une généreuse gorgée de vin rouge australien (Bottle Tree, 2007). Prête pour la suite? Et comment! Elle l’attend d’appétit ferme et l’accueille à bras ouverts… ou presque. L’assiette m’inspire d’abord un seul qualificatif: complexe! Ce qui, de loin, a l’air d’un gâteau marbré est en fait le râble de lapin farci de boudin noir (et cuit sous vide). Il y a là des choux de Bruxelles, une cuisse de lapin bardée au point de ressembler à une saucisse, des gnocchis maison… et une sauce qu’on mangerait à la cuiller. De furtives pointes d’amertume se manifestent de loin en loin… pour vous laisser le plaisir de les sentir s’estomper progressivement. Je passerais des heures dans cette assiette qui n’est pas la mienne, mais j’ai là une caille farcie de foie gras qui s’impatiente sur son lit de légumes en brunoise mêlé de petits lardons, juste à côté d’une gelée coulante de betteraves. Cuisson parfaite du volatile, moelleux des chairs, léger croquant des longues lanières de champignons qu’on découvre comme une surprise. Et la sauce, encore une fois, qu’on se retient de déclarer divine.
Nous aurions dit non au dessert, mais nous l’avions commandé d’avance: un "authentique soufflé à l’érable", fumant… et tellement savoureux que je m’y brûle légèrement deux fois d’affilée. Jamais deux sans trois? Alors, allons-y! Il ne sera pas dit que je me dégonfle comme un soufflé.
Toast!
17, rue du Sault-au-Matelot
Québec
Tél.: 418 692-1334
Formules trois et quatre services: 65 et 75 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 173,27 $
LÉGENDE
Grande table:
Très bonne table, constante :
Bonne table :
Petite table sympathique :
Correcte mais inégale :
Pour d’autres critiques, consultez le site www.guiderestos.com