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Vins et fromages du Québec : Symbioses québécoises

Le sommelier Philippe Lapeyrie, porte-parole du dernier Salon des vins et fromages du Québec, nous offre un petit compte rendu de dégustations de produits d’ici.

Il y a 10 ou 20 ans, peu de consommateurs auraient misé sur l’avenir des vins et des fromages de notre belle province. À l’époque, mis à part quelques cheddars sans vice ni vertu et les petites productions artisanales des abbayes, la qualité se faisait fort discrète. Même son de cloche pour les vignerons locaux… Mais tout ça est bel et bien révolu… Près de 75 vignobles sont présents en sol québécois et pas moins de 500 fromages différents sont élaborés en province. Par contre, il est vrai qu’ils ne sont pas tous de grande qualité, mais est-ce que les vins et les fromages de la vieille Europe sont tous à déguster en faisant une génuflexion? Bien sûr que non! Il faut être curieux et prendre le temps de goûter, c’est tout!

NAISSANCE D’UN SAVOIR-FAIRE

Au cours des années 80 et 90, les fromagers d’ici ont observé de l’autre côté de l’Atlantique les méthodes d’élaboration et la matière première utilisée pour faire des fromages de qualité, pour ensuite les recréer à leur façon. Même chose pour le jus de la treille: les premiers vignerons du Québec étaient d’origine européenne ou étaient allés faire des stages là-bas pour mieux comprendre la culture de la vigne et la vinification.

Depuis, nous n’avons plus rien à envier à personne: nos fromages sont délicieux et je dirais même qu’ils peuvent rivaliser avec les meilleurs de France. En ce qui a trait au jus de raisin fermenté, on fait de bien belles choses en blanc sec et liquoreux et en rosé. Et puis, certains rouges peuvent agréablement nous surprendre, malgré notre climat nordique et nos périodes végétatives peu ensoleillées. Nous n’avons pas le soleil du Chili ou le climat de la Toscane, mais nous avons des hommes et des femmes de grande détermination. Nous comptons, grosso modo, un quart de siècle d’histoire en matière de vin, alors que certains pays font du vin depuis plus de 30 siècles. Soyez patients car, à mon avis, sur le plan qualitatif, ce n’est que la pointe de l’asperge…

ACCORDS FROMAGES ET VINS

Je dois, bien sûr, vous suggérer quelques symbioses made in Québec! Débutons avec un fromage à pâte molle, tel L’Apprenti Sorcier de la Fromagerie La Voie lactée de L’Assomption, vous n’aurez qu’à l’imaginer sur l’onctueux et pénétrant Riesling 2006 du Domaine Les Brome dans les Cantons de l’Est (www.domainelesbrome.com). L’harmonie parfaite n’existe pas, mais ces deux produits réunis formeront un mariage exquis.

Que dire d’un accord commun entre le Bleu Bénédictin de l’Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac et le Vin de glace 2006 du talentueux Charles-Henri de Coussergues du vignoble L’Orpailleur à Dunham (www.orpailleur.ca)? Vous y retrouverez non seulement un accord régional estrien, mais aussi une symbiose de contraste sucré-salé entre deux produits qui nous rendent fiers d’être Québécois!

Je me dois aussi de souligner le grand avantage de servir du vin rouge du Québec sur nos fromages régionaux. Pourquoi? Nos rouges sont souvent légers, souples, pas trop joufflus ni trop boisés. Ce qui laisse, bien sûr, de la place à table. N’oubliez pas qu’un accord mets-vin est un équilibre entre un plat et un produit alcoolisé: l’un ne doit pas passer par-dessus l’autre. De plus, tannins trop denses et lactose ne font pas nécessairement bon ménage. On aurait donc tort de négliger les vins rouges d’ici!