Petit coin chaleureux, nous revoici! Le décor est encore le même, à quelques détails près. La micro-mezzanine du fond a troqué pour une plante verte la petite bibliothèque blanche qui, descendue au rez-de-chaussée, se dresse maintenant contre le mur de brique orné d’une carte de la Bretagne. Tout à côté, l’un des tableaux noirs énumérant bières et cidres, dont le fruité Kerisac (breton) dont j’ai aussi gardé un souvenir agréable. Les haut-parleurs chantent du Vigneault. À quelques pas de moi, sur la droite, le vieux banc de bois à présent familier. Mon amie tourne le dos à la cuisine. Derrière moi, trois clientes conversent à voix basse, jusqu’au moment d’être servies. La seule vue de leurs assiettes semble leur insuffler un regain d’énergie. Il en sera sans doute de même pour moi, quand viendra mon tour.
Pour le moment, j’essaie de me rappeler ce que j’ai déjà "essayé" ici et sollicite de mes papilles un effort de mémoire. Toujours aussi sage et ordonnée, la carte nous propose d’abord ses Traditionnelles: au beurre, à l’oeuf, au fromage suisse, au jambon et oeuf… Puis ce sont les Spécialités: "La Béarn", "L’Argoat" (fromage suisse, pleurotes en sauce, tombée d’épinards), "L’Orientale" (merguez, concassé de tomates, fromage de chèvre et légumes grillés), "La Dolmen" (roquefort, noix de pecan, pignons, tomates et pommes). La serveuse nous a aussi mentionné "La Champ-Vallon", à l’agneau, qui ne figure pas sur la carte… Je me suis fait servir un galopin de bière pression. "N’importe laquelle", avais-je dit à la serveuse, oubliant de lui demander par la suite laquelle c’était. Vous savez ce que c’est, quand une grippe vous perturbe au point que rien ne paraît avoir d’importance. Mon amie tient bien le coup, elle. "Qu’est-ce que t’as pris, toi?" Elle sourit: "Marquis de Goulaine… un chardonnay… je croyais que tu avais noté…" Évidemment, mais j’ai du mal à me relire. Nous trinquons. La serveuse vient s’enquérir de nos choix. Elle repart bredouille, mais souriante. Tiens, j’en étais déjà au verso de la carte, à la rubrique des desserts: crêpes à la farine de froment – beurre, sucre, sirop d’érable, orange, chocolat, Suzette et autres tentations. De retour au verso, je m’attarde à ce qu’on propose comme suppléments, aussi bien des oeufs que des pommes, des épinards, des légumes grillés, des sauces, des glaces, de la charcuterie… "Roscoff", dit mon amie. Je finis par comprendre qu’elle a fait son choix. Je me hâte donc et, au bout d’une éternité de deux minutes à peine, je fais signe à la serveuse. C’est ce moment précis que choisit ma faim pour commencer à maugréer. Nos plats s’amènent vite, très vite: crêpes soigneusement pliées en quatre. Ma "Béarn" est coiffée d’un petit pompon de confit d’oignons. Une petite "ouverture" me laisse entrevoir une touche de vert. Qu’est-ce que c’était, déjà? Des épinards. Frais. Croquants. Et, dessous, du confit de canard et du fromage de chèvre, tout cela bien rangé avant que je m’en mêle. Savoureuse complicité de goûts qui se relayent sans bousculade. Ça vous sort un peu de la brume… La "Roscoff", aussi soigneusement présentée que la mienne, présentait à la vue de larges coulis de sauce béchamel. Sa garniture est constituée de jambon, d’asperges, de fromage suisse et de pommes. Difficile d’imaginer ce qui peut résulter d’une telle combinaison. Faut goûter! Ensuite faire semblant qu’on n’a pas bien saisi… et alors remettre ça. À la vérité, on a d’abord l’impression que les asperges n’ont rien à faire là. Surtout au contact des pommes. L’affrontement à peine amorcé se résout en complicité; on mange avec une satisfaction croissante. Je reviens à ma propre assiette. Quelques bouchées de plus, et je m’aperçois que je n’ai plus faim… pour du salé. Ma compagne prendra-t-elle un dessert? "Mais… je n’ai même pas fini ma Roscoff!" J’ai sans doute fait dans le subliminal sans le vouloir, car elle dépose bientôt ses ustensiles et me demande ce que j’ai en tête comme dessert. Je me rappelle "L’Extase"… une profusion de chocolat… que nous décidons de ne pas choisir. Du coup, ma mémoire va mieux et j’énumère les autres – pour finir par m’arrêter à celle que je connais déjà: "La Salidou", au caramel de beurre salé et crème chantilly. Cette dernière se présente en trois grosses "fleurs" blanches dressées sur la crêpe pliée en quart de cercle. Après quelques tintements d’ustensiles, il n’en reste plus que des haillons.
Le Billig
526, rue Saint-Jean
Québec
Tél.: 418 524-8341
Crêpes traditionnelles: 3,50 à 10,50 $
Spécialités: 8 à 16 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 38,54 $
LÉGENDE
Grande table:
Très bonne table, constante :
Bonne table :
Petite table sympathique :
Correcte mais inégale :
Pour d’autres critiques, consultez le site www.guiderestos.com