Ce n’est pas parce qu’il pose avec une casserole sur la tête en couverture de son livre ou parce qu’à l’intérieur de l’ouvrage, une photo le représente en train de décrasser sa baignoire avec un gâteau éponge que Bob le Chef n’est pas sérieux. Certes, ces simagrées auxquelles il nous a habitués sur le Web depuis trois ans plaisent surtout aux ados, les réels comme les éternels. Certes, le cuistot en question, Robert James Penny de son vrai nom, a lui-même l’air de sortir de l’âge juvénile, s’exprime avec un accent assez nice et tripe sur le skate-board. Néanmoins, l’anarchiste culinaire sait ce qu’il fait. Il a 32 ans, un diplôme de l’ITHQ sous le chapeau et un C.V. intéressant derrière le tablier (Globe, Brunoise, Romeo). "Les journalistes disent souvent que je fais de la cuisine trash, destinée qu’aux ados, et ça me dérange, raconte Bob le Chef lors d’une entrevue au Misto, où il est co-chef. Ma cuisine est 100 % bien faite, j’aime le prétendre en tout cas, et la bouffe que je propose est très bien assaisonnée. Ce que j’essaie de prouver avec mes capsules et le livre, c’est que ce n’est pas toujours nécessaire d’aller au marché Jean-Talon et d’acheter un vinaigre spécialisé à 24 $ pour faire sourire ses convives. On peut très bien faire la job avec des produits simples. En fait, ce que j’offre, ce sont de vraies techniques, avec des produits de base. Je crois qu’avant de savoir faire des cailles au porto, il est important de savoir faire un bon poulet rôti." Autrement dit, la centaine de recettes de L’Anarchie culinaire selon Bob le Chef s’adressent avant tout à ceux qui ne se sentent pas à l’aise dans une cuisine et qui veulent se déniaiser côté fourneaux.
MANGER LES POCHES VIDES
Il va sans dire, en cette période de ralentissement économique, le livre de Bob le Chef, avec ses plats qui ne dépassent pas les 10 $, a de quoi intéresser tout le monde. "C’est fantastique! Mon analyste financier m’a dit qu’il y aurait une récession cet automne alors j’en ai profité pour sortir mon livre. Il servira à bien des gens, précisément ceux qui ont perdu leur argent en Bourse", dit-il à la blague. Du coup, au bourgeois qui a fait banqueroute, Bob propose sa recette de chili végétarien. "Pour environ 5 $, il pourra nourrir une douzaine de personnes. Je lui suggère aussi de terminer le repas avec ma recette de pouding chômeur, c’est toujours winner." Mais afin d’éviter un choc culinaire au bourge cassé qui ne jure que par les restos branchés, Bob le Chef suggère plutôt son tartare de saumon et son gâteau au fromage économique. "Il s’agit souvent de l’entrée et du dessert les plus chers sur les menus des restaurants. Je prouve qu’il est possible de faire un bon gâteau au fromage pour 7 $ et que l’on peut se cuisiner un maudit bon tartare de saumon pour 6 $. Donc, le bourgeois ne sera pas trop déstabilisé par ces deux plats. Il va même lui rester de l’argent pour s’acheter la presse économique!"
BOB VERS LE FUTUR
Bob le Chef est déjà une vedette chez les 16-25 ans et sa popularité gonflera sans doute, grâce à son livre, comme un gâteau dopé à la poudre à pâte. À quand, donc, une émission sur le Food Network? Ça l’intéresserait. "On a fait un pilote télévisé l’été dernier, avoue-t-il. Ce serait mentir que de dire que l’on ne se voit pas à la télé un jour. Il reste que l’on aime bien ça, être sur le Web. On a notre public, nos commanditaires, on est assez libre dans ce qu’on veut faire, alors on ne se plaint pas." Advenant une émission sur une chaîne spécialisée, Bob le Chef assure toutefois qu’il ne changerait pas son style de cuisine pour autant. "Je voudrais que ça demeure humoristique et que mes recettes soient guidées par le même credo: bon, économique et rapide à faire. C’est sûr qu’il y aurait une évolution, avec des recettes un peu plus complexes, mais elles seront toujours accessibles. Disons que l’on n’est pas à la veille de voir Bob le Chef faire du foie gras, ça, c’est certain!"
L’Anarchie culinaire selon Bob le Chef
Éd. La Presse, 2008, 198 p.
Pour voir les capsules culinaires de Bob le Chef: www.boblechef.com ou www.33mag.tv