Faute de champagne ou d’un quelconque mousseux au verre, on nous suggère deux petites bouteilles de Henkel Trocken. Pourquoi pas? D’un même mouvement, nous levons nos flûtes, mon amie et moi. Le décor, immuable, donne à voir ses lampes à motifs, ses tableaux et la cuisine bien éclairée où, de temps à autre, exultent de grandes flammes. Au fond de la pièce, un groupe imposant de clients converse à mi-voix. Plus au fond, une porte vitrée qui laisse entrevoir un sapin tout illuminé de rouge sur la terrasse arrière. Exactement comme la dernière fois… et comme la fois d’avant. Eh oui!… Sans le faire exprès, nous venons toujours ici pendant la période des Fêtes! La première fois, j’avais écrit qu’"un charmant resto nous est né" et qu’il y avait de la ferveur dans les cuisines. Une ferveur qui ne s’est pas démentie au fil des ans. On la retrouve aussi dans la déférence du personnel et dans la voix de ceux qui vous annoncent fièrement que le menu vient encore de changer presque de fond en comble. Votre hâte, alors, d’en prendre connaissance! Entrées froides et chaudes s’offrent d’emblée à la vue, ravioles de légumes au pesto d’aragula, tartelette au magret de canard fumé maison, thon albacore saisi au sésame… L’énoncé des menus s’achève avec la fondue aux fromages du Québec et au cidre de pomme. Le regard remonte lentement, découvrant à rebours ce qu’il a survolé sans s’y arrêter: raviolis d’agneau, phyllo de boudin noir, bavette de bison grillée, suprême de pintade au miel, au citron et au safran… Lecture édifiante… et discrètement soulignée par ces odeurs de sauces et de grillades qui radinent jusqu’à nous. Je reprends ma lecture, passablement troublé: calmars sautés au vinaigre de xérès, bar noir sauté aux amandes, jarret d’agneau… Nous nous avouons notre faim et, deux minutes plus tard, notre choix est fait. Les amuse-gueule ne tardent pas: un délicieux tartare de boeuf et un magret de canard fumé, accommodés de coriandre et de ciboulette. On nous les a présentés dans de petites "gondoles" – des demi-feuilles d’endives dont la légère amertume nous affûte un appétit déjà bien aiguisé. Entre-temps, la salle à manger s’est remplie, ce qui n’affecte en rien la sérénité du service. Et voici un premier plat pour ma compagne: une succulente crème de betteraves rouge vif, onctueuse, chaude. Elle ne fait que passer, car nous sommes deux à y prendre goût. Puis, les entrées s’amènent. Pour mon amie, un mets dont le premier "contact" semble vous dérouter: endive, poireau et prosciutto braisés à l’érable, gratin à la Magie de Madawaska (fromagerie Le Détour) et caramel à la bière. Cependant, vos papilles n’hésitent pas à s’abandonner et c’est un pur plaisir que de laisser chacun des ingrédients livrer le meilleur de lui-même – de l’amertume à la douceur, en passant par le moelleux et le croquant. De mon côté, les sens se portent aussi bien: foie gras de canard poêlé aux jeunes pousses d’épinette, papillote de chou de Savoie farcie de champignons, de maïs en grains et de riz sauvage. Tout cela bien assaisonné, avec une dominante d’anis étoilé qui, parfois, s’impose presque trop. Un autre détail me contrarie: ce petit "obstacle" qui, de loin en loin, m’arrive sous la dent – un éclat d’anis étoilé, me semble-t-il. Pour la suite, mon amie s’est fait conseiller un vin californien (pinot noir, Monterey, Blackstone Winery 2006). Et quelle suite! Un fastueux cassoulet de lapin: râble grillé, cuisse braisée aux pruneaux, épaules confites, saucisse maison (au lapin, évidemment) et légumes-racines. On vous pose la cocotte en fonte au milieu de la table; on vous la découvre d’un geste presque théâtral, et une bouffée de fumets chauds vous embrasse. Comme tout gourmand qui se respecte, je me plais à penser qu’il n’y en aura pas assez pour deux. Haricots, carottes, céleri, courges… nous voulons chacun un peu de tout et en toute hâte. La cuisse farcie de pruneaux et sanglée de bacon, nous la découpons avec une joyeuse fébrilité. Nous nous partageons ensuite l’épaule, nous attaquons le râble et revenons à la cuisse dodue. Nous nous servons, deux, trois fois… en nous disant sans arrêt que c’est bon. Quand nous commençons à préparer chaque bouchée avec une patience de philatéliste, il est clair que nous sommes repus. Nous crânons encore pendant quelques secondes. À la fin, nous appelons un café corsé à la rescousse. Par acquit de conscience, nous commandons un "petit" gâteau au chocolat et gingembre accompagné de glace aux graines de sésame grillées. Et, puisque la glace à l’avocat maison m’intriguait, on m’en sert un peu pour goûter.
Le Pain béni
24, rue Sainte-Anne
Québec (Québec)
Téléphone: 418 694-9485
Menu du jour à partir de 11,95 $
Petite table d’hôte à partir de 25,95 $
Grande table d’hôte à partir de 35,95 $
Souper pour deux (incluant les taxes): 118,41 $
LÉGENDE
Grande table:
Très bonne table, constante :
Bonne table :
Petite table sympathique :
Correcte mais inégale :
Pour d’autres critiques, consultez le site www.guiderestos.com