Nous sommes arrivés en avance afin de nous assurer d’avoir les meilleures places. "À quelle heure commence le spectacle?" demandons-nous à la serveuse. Confortablement assis aux premières loges de la scène culinaire, nous attendons le chef. La mise en place est parfaite: dans la vaste cuisine centrale, un mystérieux plat mijote, fumant. Couteaux soigneusement placés, mandoline impeccablement alignée, planches à découper toutes propres, le décor est planté. Ne manquent que les acteurs. En attendant, notre serveuse astique quelques verres. Touche de finition avant les lumières. Un premier chef entre en scène. Puis un second. Tous deux s’activent soudainement aux fourneaux. Lever du rideau.
LE BOUCHON
Pendant ce temps, la très efficace et excellente vendeuse et serveuse, Stéphanie Labelle, nous présente le menu. Elle le connaît par coeur. L’apprécie, même, car il est un peu de son cru. Ici, tout le monde semble participer à la mise en scène. C’est donc avec beaucoup de ferveur qu’elle nous parle des plats, prenant un malin plaisir à les décrire. Nous, on visualise bougrement. Les soupes, les salades, les terrines ont tellement l’air diablement appétissantes. Les plats? Délicieux, juste à l’écouter. Son départ installe une certaine perplexité: dur de choisir. Sous la houlette du copropriétaire Laurent Godbout (L’Épicier, Duel), le chef Jean-Baptiste Marchand présente des plats de type bistro d’inspiration française, parfois tirés du répertoire des célèbres "bouchons" lyonnais. Comme cette "cervelle de canut": de la crème sure (à défaut du fromage blanc à la française de la recette originale) rehaussée d’herbes fraîches, servie avec du pain. Parfois aussi plus locaux, comme cette soupe aux pois et crème à l’érable. La soupe de tomates, elle, semble arriver directement de la Méditerranée. Servie au pichet, pour deux, elle fleure agréablement le thon et l’huile d’olive. Un peu trop salée, cependant. Notre chef aime aussi se rappeler le bon vieux temps. Sa laitue à la crème fraîche "comme en 78" est un souvenir d’enfance interprété avec des feuilles de laitues variées qui baignent dans la crème fraîche, tout bêtement. Amusant, mais pas si convaincant. Beaucoup plus intéressant: la fine tarte de tartare de boeuf. Étonnante préparation à base d’un tartare très classique monté sur une tartelette de pâte feuilletée farcie d’une marmelade de champignons. Joli contraste de température, inattendu.
Dans les entrées, on propose aussi une terrine de cassoulet ou un croustillant de pied de porc: l’époque est à la portion généreuse et aux saveurs rassurantes. On apprécie particulièrement le retour du gras, ça fait du bien, merci.
La morue est heureusement plus légère. Servie dans un bol, elle est d’abord grillée puis plongée dans un bouillon au basilic et au citron confit parfumé, épaissi grâce à… du tapioca. Drôle de retour de cet ingrédient complètement oublié!
On hésite entre blanquette de joue de veau, pain aux 4 viandes sur sauce tomate "chunk style" et pétoncles et acras de canard… va pour ces pappardelles maison aux herbes et lapin braisé. De longues pâtes mêlées à un jus de cuisson dense, où baignent des morceaux de viande tendres et quelques carottes caramélisées. Toute la chaleur qu’on aime.
AU DESSERT
Après un tel déluge de calories, il faut cependant se sacrifier. Le pot de crème? "Léger", nous assure notre serveuse: une crème fouettée au Grand Marnier dissimulant une marmelade d’orange à la cardamome à l’amertume plutôt désagréable, malheureusement. Mieux: le "Joe Louis", un fondant finement croquant ultra-chocolaté au coeur de lait d’amandes. Tout à fait d’hiver.
EMBALLANT /
La cuisine centrale, le coeur du très chouette concept qui consiste à offrir un beau spectacle culinaire. Assis tout près, il est toujours possible de piquer une jasette avec les cuisiniers. Rien de mieux pour apprendre quelques trucs qui relèveront avec fierté vos prochains soupers. Le service, détendu mais efficace. La carte des vins, courte mais sûre d’elle, avec quelques crus servis au "pot lyonnais", au quart ou au demi-litre.
DÉCEVANT /
Notre chef semble avoir la main un peu lourde sur le sel. Mieux vaut y aller léger et offrir une belle fleur de sel à table. C’est tendance et surtout très pratique.
COMBIEN? /
Comme d’habitude, allais-je dire, dans ce genre d’endroit. Comptez donc 40 $ par personne.
QUAND? /
Du mercredi au vendredi, de 11 h 30 à 14 h. En soirée, du mardi au samedi, de 17 h 30 à 22 h 30. Vendredi et samedi jusqu’à minuit. Brunch les samedis et dimanches, de 11 h à 15 h.
OÙ? /
La Fabrique
3609, rue Saint-Denis, en face du carré Saint-Louis
Réservations: 514 544-5038?
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