La formulation peut varier, mais c’est la même question qui me hante les pensées chaque fois que je dois visiter un resto nouveau-né: "Qu’est-ce qui m’attend?" Les noms sont parfois jolis, la devanture attrayante, l’enseigne énigmatique ou explicite, et la carte surpeuplée de promesses. Qui plus est, nous sommes le vendredi 13… J’ai l’air renfrogné qui convient. Pour me réchauffer, je peste contre ce froid cinglant qui nous a pris en affection. Lestés d’une bouteille de vin rouge argentin (Viejos Robles) et d’une Stella Artois, nous franchissons le seuil du resto. Ah, douce chaleur!… Je revis un peu. Les clients sont nombreux; nous avons bien fait de réserver. Et qui vois-je, venant à notre rencontre en souriant? L’ancien proprio de feu L’Étoile du Maroc (petit établissement de la rue Saint-Paul qui nous plaisait tant). En voilà un qui a la mémoire des clients et qui n’a rien perdu de sa courtoisie! Il nous installe bientôt dans une aile de la salle à manger. "Es-tu rassuré, maintenant?" demande ma compagne d’un ton narquois. Pas forcément, pas tout à fait: seule l’assiette me donnera l’heure juste. Une jeune serveuse s’empresse déjà, remplit nos verres d’eau et nous laisse la carte – une grande carte plastifiée, soignée, ornée de motifs hauts en couleur. Elle se divise en plusieurs sections: "Menthe et clous de girofle", "Thym et tournesol", "Estragon et grains de poivre"… Sous chacun des titres, un texte concis vous présente épices et aromates, évoquant leurs origines et l’usage auquel on les destine. Des parfums légers se relaient nonchalamment dans la pièce, tandis que différents menus quêtent nos faveurs – grillades, soupes, entrées froides, entrées chaudes, sandwiches de shish-taouk et autres… Plongé dans un abîme de réflexions hantées de hummus, taboulé, feuilles de vigne et caviar d’aubergine, j’émerge pour m’intéresser aux briouates. Nous penchons pour ces derniers. Puis nous errons un instant parmi les couscous, indécis et affamés. Aux légumes ou au kefta? Au poulet ou aux merguez? À l’agneau, peut-être… ou un "Royal" qui vous combine tout cela? Même jeu du côté des brochettes. Elles peuvent être de viandes diverses, mais aussi de poulet à la berbère, de crevettes ou de pétoncles. En ce qui concerne les entrées, d’autres ont été plus rapides que nous: il ne reste plus de briouates! Je me rabats sans conviction sur les crevettes tangeroises. Leur heure venue, elles s’amènent, nombreuses, dans une cassolette de terre cuite, soigneusement disposées sur un épais lit de riz et pommadées de sauce aux tomates et à la coriandre. Elles sont de grosseur moyenne, tendres à souhait et savoureuses. Mon amie a préféré une salade d’oranges et d’artichauts: fines tranches d’agrumes et de concombres, morceaux d’artichauts marinés, laitue et une tomate découpée en fleur. Une rose, pour nous rappeler ce que signifie Warda. Un nuage de cannelle sur tout ça, et le tour est joué. Jolie préparation, bonne, mais un peu acide à mon goût. "Je ne trouve pas…" déclare mon vis-à-vis, l’oeil vif et la fourchette leste. Le service suivant nous encense d’autres fumets: un tajine brûlant dans lequel abricots et pruneaux ont longuement distillé leurs sucs qui, mêlés au jus de l’agneau, se sont réduits en une sauce serrée sans être trop sucrée. La viande en est imprégnée. Un délice! Pour se faire languir un peu, on marque un temps d’arrêt avant chaque bouchée… qu’on accueille enfin avec un petit ronronnement de satisfaction. Zut! J’oubliais ma pastilla! "Tu me rends ma fourchette?" Je murmure une excuse à l’adresse de ma compagne et la laisse à son tajine. Ma pastilla? Au poulet et aux amandes, avec un complément de garniture constituée d’oeufs durs. L’assaisonnement a tout pour être parfait, sauf, peut-être, ce petit excès de "quelque chose" qui brûle un peu la langue. "Du gingembre", me dit-on. Alors, c’est qu’il n’en a que le feu et pas le goût. Cela ne me perturbe nullement l’appétit. J’y vais à grandes bouchées triomphantes et, pour une fois, la pâte phyllo parvient à se faire passer pour une vraie feuilletée traditionnelle. Je m’intéresse peu à la salade qui garnit le pourtour de l’assiette: laitue, tomates, poivrons en fine brunoise, "rose" de tomate, tranches de carotte et des acini di pepe (pastas qu’on prendrait pour des graines de quinoa). Arrive le moment où, bien que béats, nous n’en pouvons plus. Alors, vivement le thé à la menthe et le café! Puis une bonne marche digestive. Et les appétissants baklavas que nous emportons pour consommation ultérieure.
Warda
Cuisine méditerranéenne
299, rue Saint-Joseph Est
Québec (Québec)
Téléphone: 418 614-4822
Menu du jour: 9 à 12 $
Table d’hôte: 22,95 à 27,95 $
Souper pour deux: 46,23 $
LÉGENDE
Grande table:
Très bonne table, constante :
Bonne table :
Petite table sympathique :
Correcte mais inégale :
Pour d’autres critiques, consultez le site www.guiderestos.com