Restos / Bars

La Cohue : Ivresse des sens

La Cohue se bonifie avec le temps, tout comme les vins de choix que nous propose cet établissement.

Nous avions eu la bonne idée de réserver. La salle à manger principale est bondée, ainsi que la verrière, sans parler du salon privé, près de l’entrée, où festoie un groupe imposant. Le personnel demeure calme, attentif, souriant. Le stress ne semble faire partie ni de son vocabulaire ni de son univers psychique. On nous propose notre place "habituelle" – eh oui! -, tout au bout de la salle à manger, tout contre l’un des grands miroirs sur lesquels s’inscrivent en lettres de couleur les noms de vins sélectionnés par la maison. De loin en loin, la mention d’une soirée jazz ou bossa avec Julie Cimon.

C’est bientôt l’apéro, en l’occurrence un Torres mariant muscat et gewurztraminer (Viña Esmeralda, 2008). Il vaut tous les éloges que nous en a faits le maître d’hôtel. "De quoi as-tu faim?" me lance soudain mon amie comme on demanderait à quelqu’un où il a mal. La carte, prolixe, nous dit ses linguine au pesto ou aux fruits de mer, sa salade tiède d’épinards aux foies de volaille, ses grillades, ses ris de veau au Frangelico, son magret de canard rôti, son jarret d’agneau… Mon instinct pêcheur l’emporte finalement et, pour me torturer encore un brin, j’entreprends la rubrique des entrées. Ma compagne se désintéresse soudain de la carte pour m’annoncer qu’elle a fait son choix et que je serai surpris. Au moment de commander, elle me laisse faire le premier pour maintenir le suspense… Enfin elle dit, presque sur un ton de défi: "L’entrecôte grillée." J’en reste bouche bée: elle ne commande jamais de steak au resto! Nous commentons un peu l’événement, puis l’arrivée de mon entrée fait diversion. Une belle diversion. Imaginez ce tartare de veau de lait et de langoustines, graniteux d’aspect, dressé entre une grande queue (vide) du même crustacé et une sobre arabesque de vinaigre balsamique caramélisé. Une longue tranche de pain grillé fait semblant de le cacher. Quelle fourchette y résisterait? Le goût de ce tartare semble uniforme. Les nuances ne se perçoivent pas immédiatement, mais petit à petit, d’une bouchée à l’autre, à mesure que l’on tente de distinguer la langoustine des ris de veau. On y parvient à peine, mais peu importe, c’est jouissif. Mais c’est d’une bouchée à l’autre aussi que se révèle une saveur piquante: elle croît avec l’usage, lentement mais sûrement, malgré les gorgées d’eau et les tranches de baguette. "Tu ne vas pas laisser ça!" À vrai dire, le "ça" est minuscule. Mon vis-à-vis prend tout de même la relève et lui fait un joyeux sort.

Après cela, pour accueillir l’entrecôte à venir, elle se convertit au vin rouge (Louis Roche, Côtes du Ventoux, 2005). Et la pièce de viande s’amène, magnifique, luisante de son propre jus mêlé à la sauce Madagascar. Elle s’accompagne d’une abondance de frites qui ne tardent pas à s’acoquiner avec la mayo maison. La viande elle-même s’avère aussi savoureuse qu’elle en a l’air, docile sous la dent, presque aussi juteuse qu’un fruit mûr. "Je garde ma salade pour la fin…" J’entends à peine, occupé par ma propre assiette où repose une aile de raie panée (pas vraiment en tempura), dorée, impassible, entre un risotto aux cèpes et des légumes (asperges blanche et verte, tomate grillée, etc.). La sauce prévue ne me tentant pas, le chef a eu la gentillesse de me concocter une béarnaise: délicieuse, bien qu’un peu plus acide que je ne l’aurais souhaité. Fine, bien fraîche et bien apprêtée, la chair du poisson y puise un surcroît de saveur. Les deux me font fête au palais. Le risotto? À ranger parmi les bons, les vrais de vrais: cuit al dente sans aucun grain farineux. Je lui prouve sans honte toute ma reconnaissance. Longtemps après, j’émerge, groggy de plaisir, repu. Tiramisú, trio de sorbets, bavarois… Ces tentations maison ne m’émeuvent guère pour l’instant. J’en ai déjà tâté à d’autres moments et je reviendrai certainement… rien que pour elles.

La Cohue
3440, chemin des Quatre-Bourgeois
Québec
Tél.: 418 659-1322
Menu du jour: 12 à 19,95 $
Table d’hôte: 25,90 à 35,90 $
Souper pour deux (incluant boisson et taxes): 56,89 $

LÉGENDE

Grande table:
Très bonne table, constante :
Bonne table :
Petite table sympathique :
Correcte mais inégale :

Pour d’autres critiques, consultez le site www.guiderestos.com