Restos / Bars

Laloux : Chaises musicales 2

Au dernier épisode, la cote du Laloux avait remonté promptement grâce à l’intervention de jeunes chefs talentueux. Désormais sous la houlette d’Éric Gonzalez, le resto poursuit son ascension. Jusqu’où iront-ils?

Un des grands plaisirs de ce métier est d’observer les hauts et les bas des restaurants et ceux de leurs chefs. Car, vous l’avez sûrement remarqué, la restauration est un milieu qui bouge, et vite. Suivre Laloux à la trace, cette institution de l’avenue des Pins, c’est raconter un pan de l’histoire gourmande de Montréal. Après le départ d’André Besson en 2006, une période catastrophique commence. Les affaires chutent. Puis arrivent les sauveurs. Danny St-Pierre et Patrice Demers retapent la carte du resto; le succès est immédiat. St-Pierre part ouvrir son Auguste restaurant à Sherbrooke. Marc-André Jetté prend la relève aux côtés de Demers. Mais voilà, le talentueux duo vient d’être appelé vers un autre défi: les cuisines du nouveau Newtown. Vous en saurez plus la semaine prochaine… Pour les remplacer, on a fait appel à Éric Gonzalez, ce qui fait très plaisir au chroniqueur gourmet. Gonzalez nous a épatés avec ses plats raffinés au Lutétia et quelque peu survoltés au Cube. Un passage au XO, un intermède au Café Ferreira, et le voilà aux commandes d’un bistro qui lui va comme un gant. Ô joie.

AU MENU

Au Laloux, les chefs passent mais la salle reste la même. Toujours aussi belle avec ses miroirs et ses boiseries. Surtout, ne touchez à rien! En avant, la jolie terrasse est couverte d’un auvent, à l’abri des intempéries. Alors, quoi de neuf? La carte, bien sûr. On y retrouve des classiques de bistro, boudin noir, tartare de boeuf, foie gras, foie de veau, ris de veau et filet mignon, mais largement rehaussés de la touche magique Gonzalez. C’est-à-dire? Développés, enrichis, des plats où s’entrecroisent saveurs et textures parfaitement équilibrées. Du grand travail.

C’est ainsi qu’une banale soupe froide devient trésor. Le consommé de tomate (un jus filtré, limpide, légèrement gélatiné) mêle adroitement concombre, radis, melon et menthe, un trait de chèvre frais arrondissant les angles. Léger, frais et étonnamment savoureux. La verrine de lapin confit est une autre de ces petites merveilles. Touche d’oignons caramélisés, tartine de tomates confites et de tapenade d’olives noires, Gonzalez joue la carte nostalgie de son Sud natal. C’est beau.

Il nous confirme son savoir-faire avec cette assiette surf’n’turf de pétoncles et flanc de sanglier braisé. Quelle rencontre! Deux gros pétoncles, évidemment parfaitement saisis, s’accommodant très bien de cette viande braisée, dont on a laissé un peu de gras pour qu’elle ne sèche pas trop en bouche. La présentation est spectaculaire: on y reconnaît l’art, complexe, d’équilibrer les pièces sur une surface pour la rendre appétissante, sans aucune lourdeur. Quelques asperges rôties au bacon, un peu d’amande et de coriandre et une surprenante purée d’oranges "façon sangria", ensoleillée. Du grand art.

La truite de Tasmanie, plutôt rare sur nos tables, est un poisson d’élevage pas tellement différent de nos truites habituelles. La chair rosée de ce splendide pavé est nappée d’une sauce vierge (huile d’olive, citron, tomates concassées, basilic) légèrement remontée à la bisque de homard. On y ajoute quelques crevettes de rivière, une purée d’aubergines parfumée et de tendres épinards. Je vous laisse imaginer le résultat, succulent.

DOUCEURS

Ici, Éric cède la place à Michelle Marek (en charge également du menu du Pop!, juste à côté), talentueuse pâtissière qui traite les desserts comme des plats à part entière. Si le fameux pot de crème de Patrice Demers figure toujours à la carte, tournez-vous plutôt vers ce gâteau aux amandes et aux cerises couvert de crème de camomille, d’un granité d’amandes et d’un sorbet à la cerise. Une petite merveille. Ou encore vers les doux contrastes du gâteau moelleux à l’orange et épices et son crémeux de chocolat aux noisettes grillées. Pas sûr que vous vous en remettrez.

EMBALLANT /

On commence par où? Certainement par le talent indubitable d’Éric Gonzalez, qui signe ici une cuisine impeccable, aux allures de bistro contemporain sans tape-à-l’oeil, complexe, franche, bref, séduisante. De grands moments d’émotions. N’oublions pas non plus le travail efficace de l’équipe, service et sommellerie, qui sait parfaitement comment répondre aux demandes des clients. La carte des vins regorge de trouvailles à découvrir, absolument.

DÉCEVANT /

Un reproche, un seul: au mois de juillet, nous n’avons plus vraiment envie de voir du panais ou des betteraves dans un menu, ça nous rappelle trop l’hiver. Soyons estival!

COMBIEN? /

À midi, prévoyez environ 25 $. En soirée, préparez une bonne quarantaine de dollars par personne pour ce sublime festin. Et laissez-vous conduire vers d’excellents accords mets-vins, si le coeur vous en dit.

QUAND? /

Les midis, du lundi au vendredi, de 11 h 30 à 14 h 30. En soirée, de 17 h 30 à 22 h 30. Ouvert une heure de plus les fins de semaine.

OÙ? /

Laloux
250, avenue des Pins Est, Montréal
Réservations recommandées: 514 287-9127
Info: www.laloux.com