Il flotte ici des odeurs qu’on n’hésite pas à qualifier de vivantes. Elles sont chaudes, elles bougent, elles ne tarissent pas de promesses. Le décor n’a pas changé depuis notre dernière visite. La salle à manger, de dimensions moyennes, accueille ce soir encore une nombreuse clientèle et, sur chacune des tables (vraiment trop exiguës), une rose émerge d’un verre d’eau. "J’espère qu’ils ne feront pas l’erreur… C’est sympa comme ça", constate mon amie. Elle conclut ainsi notre bref échange de commentaires sur les petits restos achalandés qui, du jour au lendemain, décident de "grandir", sur place ou dans un autre lieu. Je m’apprête à ajouter que plusieurs y perdent leur charme, mais une serveuse est là et nous propose de choisir parmi des baguettes de différentes couleurs. Ma compagne opte pour des rouges. Moi, avec ce type d’accessoire, je me révèle gauche même de la main droite. Restons-en au couteau et à la fourchette. Une gorgée de Hue pour ponctuer ma décision! De l’autre côté de la table, un verre de Solaz Tempranillo 2006 se laisse vider à petites gorgées pensives. La faim est parfois muette. Je me demande, pour ma part, si je ne devrais pas reconsidérer mes décisions. La carte, que j’ai gardée après avoir passé ma commande, a encore tant à me dire. À commencer par les salades Bun xao, Bun cha gio et autres, suivies des entrées – calmars frits façon maison, tartares de boeuf et de saumon, etc. Cela se poursuit avec les incontournables "Plats réinventés d’ici et d’ailleurs", dont la poitrine de poulet farcie (brie et pesto), le poulet au curry jaune, le filet mignon glacé aux pommes et cognac, le filet de saumon en croûte de shiitakes. Il suffit de tourner la page pour tomber sur la rubrique des copieuses soupes-repas dont se régalent, derrière moi, trois jeunes clientes pour le moins loquaces. Nos premiers plats s’amènent avant même que j’envisage vraiment de changer d’idée. Heureusement. Mon tempura a la simplicité des belles choses: deux crevettes panées s’accrochant au bord d’une haute coupe métallique, prêtes à piquer une tête dans la sauce soya étoilée de graines de sésame. Et, plus bas, une petite salade… pour amortir une éventuelle chute du mauvais côté. Je les aide à plonger. Leur chair, quoique ferme, ne résiste pas sous la dent. Autant j’en apprécie la saveur franche, autant je déplore que la sauce soit un peu trop salée. Mon amie n’approuve pas cette dernière appréciation. Je soupçonne que ses dimsums frits, garnis d’une viande assaisonnée à la perfection, l’ont plongée dans un état d’esprit fort agréable – où l’on pardonne presque tout. Son bol de sambal oelek y est aussi pour quelque chose. Elle mange avec un appétit des grands jours, tous phares allumés. "Tu ne manges pas ta salade?" Sans attendre de réponse, elle transborde mes laitue, tomates, carottes râpées et toutim. Mes crevettes ne sont plus, mais le magret sera bientôt. Elle rigole. J’ai en effet jeté mon dévolu sur un magret de canard aux épices de Hanoï. Lesquelles? Mon assiette arrive à l’appel de son nom: de fines tranches de magret de canard, des graines de sésame, une sauce qui fleure bon (mais discrètement) la cardamome et qui, au goût, ne fait qu’évoquer la sauce soya et le sirop de maïs qui la composent. Cette chair, finalement, c’est de la viande, avouons-le. Mais fine. Rosée juste à point. Et succulente au point de rendre jaloux mes légumes grillés, que je néglige un peu. Ces derniers n’ont pourtant rien à se reprocher. Ils ont le croquant qu’il faut. Tiens, j’ai aussi du riz blanc! Il s’est imprégné de sauce pour se faire remarquer. Mal lui en prend. En face de moi, les mêmes légumes: carottes, brocoli, chou-fleur, germes de soja, bok choy, tout cela couronné d’un bouquet de coriandre. Ce plat ne s’appelle pas "Le Volcan" pour rien. De fines lanières de boeuf se prélassent dans une sauce au curry rouge et noix de coco que j’imagine suffisamment ardente pour allumer une chandelle. À preuve que mon amie s’est fait servir un second verre de vin rouge et qu’elle souffle un peu, quand elle ne s’arrête pas de manger pour dire qu’il fait chaud. "Mais c’est tellement bon!" lance-t-elle comme une excuse. Pas étonnant qu’elle se réconforte les papilles, un peu plus tard, avec le tapioca vert escorté de fruits que j’ai commandé pour terminer en beauté.
La Petite Boîte vietnamienne
281, rue de la Couronne
Québec (Québec)
Téléphone: 418 204-6323
À la carte: Prix variés
Menu du jour: 14 à 17 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 89,45 $
LÉGENDE
Grande table:
Très bonne table, constante :
Bonne table :
Petite table sympathique :
Correcte mais inégale :
Pour d’autres critiques, consultez le site www.guiderestos.com