On vient ici pour manger, passionnément, et pour boire un peu aussi, peut-être, et jaser si l’on se trouve en bonne compagnie. La salle à manger bondée vous illustre tout cela avec, en bruit de fond, la rumeur sourde des conversations. Le décor? Propre et bien tenu, fonctionnel. Tout au fond, de grandes toiles d’Andrée Vézina attirent l’oeil de loin en loin, mais le regard s’attarde plus souvent sur les tableaux noirs détaillant les vins (bio ou d’importation privée) sélectionnés par la maison. Les bouteilles montent d’ailleurs la garde, tout près. Une équipe s’affaire presque sans bruit derrière le grand comptoir délimitant les cuisines, d’où s’échappent des bouffées d’arômes. Je hume plus intensément quand passent à proximité de moi une soupe ou une choucroute. Le menu du jour inspire trop, je n’arrive pas à choisir. Mon amie n’est pas plus avancée. À chaque gorgée de son poiré d’importation privée (cuvée Granit, Éric Bordelet), elle s’enquiert de mon choix, lequel change sans cesse: risotto du bedeau, poisson d’arrivage, assiette végétarienne, tartare de saumon frais… Une gorgée de bière blonde (La Barberie), et je reprends depuis le début. Le serveur qui nous a pris en charge vient et revient au gré de nos mains qui se lèvent pour l’appeler à la rescousse. Nous savons bientôt tout de la présentation et des accompagnements de chaque assiette – ou presque. Ce n’est donc pas sur un coup de tête que mon amie opte pour le potage du jour: heureuse combinaison de soupe au chou, de champignons, de consommé de champignons, de lardons… On distingue très nettement la saveur vaguement ammoniaquée d’un champignon asiatique, moins timide que celle des enokis golden. Toutes les soupes devraient avoir ce goût-là! "Ah non, on finirait par ne plus apprécier!" proteste tout bas ma compagne en me faisant comprendre, d’un geste, que j’ai assez "goûté" à son plat. Je m’intéresse donc aux grandes et fines tranches de saumon fumé qui me sont présentées, semées de tranches d’oignon rouge et modérément ponctuées de câpres. Une excellente huile d’olive d’un vert printanier s’étale tout autour. Ni trop fumée, ni trop salée, ni trop grasse, la chair du poisson s’avère presque aussi moelleuse que la crème de ciboulette servie tout à côté – et plantée de croûtons dont mon amie me débarrasse sans se faire prier. Je préfère les tranches de baguette qui emplissent la corbeille (Paingrüel), et dont je redemande. La suite ne tarde pas et sa seule vue m’enchante: des frites allumettes (des vraies!) s’amoncelant sur un filet de truite arc-en-ciel rôti, posé lui-même sur des tranches de courgettes. La sauce, on ne peut plus succulente, est un beurre d’agrumes au gingembre. Abondante, elle arrive presque à se confondre, sur un côté de l’assiette, avec une onctueuse purée de courge musquée. Ça mériterait une photo; ça mérite davantage encore le coup de fourchette que je lui dédie à répétition. Dommage qu’on ne puisse chanter la bouche pleine! Mon amie s’est fait servir un verre de vin blanc (Godello Valdeoras 2008) pour accompagner son "risotto du bedeau" à la courge, au bok choy, à la morue salée et au Grana Padano, fromage apparenté au Parmigiano Reggiano, mais en plus subtil. Et c’est bien en termes de subtilité qu’il convient de présenter ce plat, petite merveille qu’on n’ose pas manger trop vite par crainte de "manquer" l’une des saveurs qui font fête à votre palais. "Pour un midi, on est vraiment gâtés!" J’acquiesce. Et que dire de la grande carte, celle du soir, avec son ragoût de pattes de cochonnet, son boudin noir, son paleron de boeuf, son cochonnet de lait et autres péchés pieux! Nous terminons par deux cafés allongés pour accompagner un gourmand crumble aux pommes chapeauté d’une glace au sirop d’érable.
Le Clocher penché
203, rue Saint-Joseph Est
Québec
Tél.: 418 640-0597
Cocotte d’automne pour deux: 49 $
Menu du jour à partir de 16 $
Brunch à partir de 16 $
Plats à la carte: prix variés
Dîner pour deux (incluant boissons et taxes): 73,37 $
LÉGENDE /
Cuisine
Du grand art!
Très bonne table
Bonne table
Satisfaisante
Passable