Un mot magique, "chose". Qui désigne tout… et rien. Très efficace et plutôt amusant comme nom, non? Chez Chose, donc, on est accueilli par Robert Marin, sympathique verbomoteur amoureux de la bonne chère, visiblement fier de son restaurant. Une affaire de famille, d’ailleurs, car aux commandes, il y a aussi sa conjointe, Manon Nadeau, et la chef Marie-France Desrosiers. Marie-France est aussi la fille de Manon. Mais Robert n’est pas son père. Vous suivez?
Il a quelque chose, Chez Chose, de vraiment convivial. D’abord, cette ambiance, très simple, dans cette salle dépouillée seulement habillée d’un long mur de briques. Et de quelques feuilles dessinées sur le mur blanc, au pochoir. Un joli comptoir de bar, aussi. Puis le bavard Robert, qui vous explique de long en large, avec force détails, le menu du jour. Origine des ingrédients, mariages d’épices, assemblages, cuissons: c’est très clair. Et tout à fait honnête, aussi. "L’agneau? Il ne vient pas du Québec, mais d’Australie. Faut pas pousser, c’est moins cher, y a une limite à acheter local." Le gars prend du temps pour vendre avec conviction, mais il faut dire que le restaurant était à moitié vide. Ça aide!
AU MENU
La chef Marie-France Desrosiers s’active aux fourneaux. Son menu, affiché sur tableau noir, décline des recettes plutôt personnelles mettant l’accent sur le produit. Pintade, lapin, foie gras, boeuf, foie de veau, les viandes sont à l’honneur. Du côté des poissons, les pétoncles arrivent des Maritimes et le thon, lui, du Pacifique. Mais "c’est du thon albacore", précise Robert. "Pas du thon rouge qui est en voie de disparition et bourré de mercure!" Le thon albacore semble effectivement contenir moins de mercure, mais son espèce est aussi en déclin… Pas facile, ces choix alimentaires si politiques de nos jours!
La table d’hôte inclut une soupe ou une terrine. On peut y ajouter aussi une des appétissantes entrées, ce qui fera un repas très consistant. Surtout si vous complétez avec un dessert. La soupe, donc, est un surprenant velouté de pintade. Très crémeux, on a l’impression de saucer le fond du plat de cuisson de la volaille. Un délice. La terrine de lapin, de Stanstead, regorge de bonnes retailles de chair. Une jeune roquette en vinaigrette légèrement sucrée balance l’assiette. Efficace.
Le tataki de thon est à la mode. La chair du poisson est rapidement saisie, laissant le coeur cru. Les trois morceaux sont accompagnés d’autant d’arancinis, ces boules de risotto frites. Une sauce crémeuse à l’ail souligne le tout. Ça marche.
Un peu moins convaincant, le "mi-tartare" de pétoncles a une curieuse texture baveuse. La bête a été saisie avant d’être hachée, et elle suinte un peu. La chair ne dégage pas les arômes annoncés, du zeste de main de bouddha (un agrume en forme de main dont le goût se rapproche de celui du citron) et de gingembre. C’est dommage. Par contre, la chef s’est essayée à des billes de Pineau des Charentes, clin d’oeil à la cuisine moléculaire. Marrant.
Moment d’attente. Un peu long, alors que les derniers clients paient leur addition: on frappe les trois coups au Théâtre du Rideau Vert, à deux pas d’ici. Mais les plats finissent par arriver.
Une superbe poitrine de pintade, d’abord. Dans une composition originale: fleur de fromage de brebis fondu sur la chair, sauce chocolat de type mole mexicain, piment et amandes. Plat savoureux, très juste, mais encombré de nombreux légumes de saison (petits navets, pomme de terre ratte, betterave, courge, brocoli… mettez-en). On n’a rien contre les légumes, mais l’assiette est trop petite!
Même chose pour le saumon "boucané" (passé au fumoir avant d’être grillé), un poil trop cuit et accompagné de la même montagne de légumes. La sauce vierge est également abondante et l’huile d’olive, de qualité.
DOUCEURS
Après ce festin, prenant notre appétit à deux mains, nous avons goûté une belle verrine de deux mousses au chocolat (noir et lait) aromatisées au poivre sichuanais et décorées de billes de chocolat grillées. Parfait. La tarte Tatin aux bananes et sa ganache au chocolat est tout à fait cochonne. Un air de revenez-y.
EMBALLANT /
L’heureuse complicité de ce trio gourmand est séduisante: ce sont des pros qui veulent se faire plaisir et nous faire plaisir. La cuisine multiplie les jolies créations gourmandes, malgré quelques maladresses. Franchement épatant.
DÉCEVANT /
Quelques maladresses, disais-je, faciles à corriger. La carte des vins est un peu mince, mais ça devrait changer. Les prix? Un tantinet élevés, malheureusement. Mais en restant raisonnable, la facture sera acceptable.
COMBIEN? /
Un minimum de 30 $ par personne est à prévoir. Gourmands, attention, la facture monte vite!
QUAND? /
Du mardi au dimanche, de 17 h à la fermeture.
OÙ? /
Chez Chose
4621, rue Saint-Denis (angle De Bienville)
Réservations: 514 843-2152