Restos / Bars

L’Autre Version : Version 2.0

Un restaurant n’attend pas l’autre. À peine fermé, Version Laurent Godbout devient L’Autre Version. Copie conforme?

Avant de commencer cette chronique, chers lecteurs, mettons une chose au point. On me demande souvent: "Combien de temps attendez-vous avant d’aller visiter un restaurant?" Vaste débat. Combien de temps devrais-je attendre? Faut-il laisser quelques mois à un resto pour qu’il soit "rodé"? Et les premiers clients, eux, ils essuient les plâtres? On dit aussi cela des émissions de télé: il faut leur laisser du temps pour qu’elles prennent le rythme. Oui, mais: le romancier, lui, n’a pas cette chance. Une fois publié, c’est trop tard. Le musicien aussi: fini, le disque est dans les bacs. Tout comme le peintre. Et comme je classe les chefs dans la catégorie des artistes, j’ai décidé de ne pas attendre. Et advienne que pourra.

Atmosphère

J’aime me balader dans le Vieux-Montréal à la fin novembre. Lorsque les touristes ont abandonné les trottoirs de la rue Saint-Paul. Lorsque les lumières de Noël se reflètent dans les pavés mouillés. Lorsque le silence perce dans la nuit noire du début de soirée. Une ambiance presque fantomale. Les vitrines restent éclairées, et on remarque un petit nouveau, près du marché Bonsecours. L’Autre Version. Mystère? Il y a encore quelques semaines, c’était ici Version Laurent Godbout. Mais le chef a fermé boutique. Pour se consacrer à son premier resto, Chez l’Épicier bar à vin, juste à côté. Une transition rapide: les clients ne se sont (presque) aperçus de rien. Le nouveau, L’Autre Version, est un clin d’oeil à l’ancien proprio et veut rester dans la lignée des tables haut de gramme de la métropole. Benoît Marcotte est à l’origine de ce récent projet. Un rêve, pour ce jeunot (il vient d’avoir 32 ans), si on en croit ses fans qui multiplient les mots d’encouragement sur sa page Facebook. Car oui, le jeune sait exploiter le nouveau Web 2.0. D’ou le titre, vous comprenez?

Au menu

C’est aussi une deuxième version sur le même thème. Cuisine fine d’inspiration méditerranéenne, produits du marché: le chef Rémi Morency tente de nous amener vers une "expérience mémorable". Et ça a marché. En partie. Laissez-moi vous raconter tout ça.

Nous sommes servis par Benoît lui-même. Le proprio. On l’a su plus tard (car on est discret), en feuilletant sa page Facebook. Impeccable, la classe. Avec l’apéro, du pain, tout chaud. Et une série de quatre coupelles remplies de vinaigre balsamique, d’huile d’olive, de pesto de tomates séchées et de beurre au miel. Sympa. Puis une mise en bouche, car on ne lésine pas. Un "dumpling" au confit de canard malheureusement frit et trop gras. Tant pis. Voici les entrées. D’abord, la "salade de tomates ancestrale, émulsion aux poivrons, croûton de pain brioché, huile de noisettes, herbes fraîches, copeaux de pecorino, boeuf Kobe fumé". La tomate rouge ne semble plus de saison, la jaune est excellente. Le croûton de pain n’est pas vraiment brioché, mais le boeuf Kobe fumé est délicieux. Bref, c’est pas mal, sans plus. Le thon en tartare est bien bon. Émincé de fenouil, coulis de carottes au cumin: ne manquait que les figues fraîches annoncées.

En fait, ce sont surtout les plats qui nous ont renversés. Le top? Le médaillon de porc et son caramel de betteraves épicé. Installé sur un sauté de champignons au jus de gibier corsé, rehaussé de copeaux de truffes et d’une jolie tranche de foie gras parfaitement poêlée. À 28 $, c’est un incontournable. Tout est cuit à point, savoureux. Rare, une telle extase. Le flétan n’est pas mal non plus. Nappé d’une crème de homard et gingembre, soutenu par un effiloché d’asperges vertes et blanches, et accompagné d’un savoureux risotto d’orge, noix de pin, roquette et crumble au parmesan.

Douceurs

Retour vers l’ordinaire avec cette tentative de queue de castor, ganache au Reese (miam) et coulis de chocolat au Bailey’s (re-miam). La queue n’est pas un vrai beignet mais plutôt une croûte de pâte frite. On aurait dû essayer la crème brûlée.

Emballant /

C’est un bien beau restaurant. Les plats principaux nous ont régalés, il faut le dire. La carte des vins offre des choix intéressants, même au verre. On vous fera goûter à des vins hors carte avec plaisir.

Décevant /

Un petit manque de constance qui rend l’expérience globale de qualité inégale. Mais on ne veut surtout pas les décourager.

Combien? /

À midi, comptez bien 25 $ par personne. Le soir, doublez aisément.

Quand? /

Du lundi au vendredi de 11 h 30 à 14 h; du mardi au samedi de 17 h à 22 h.

Où? /

L’Autre Version
295, rue Saint-Paul Est, Montréal
Réservations: 514 871-9135, www.version-restaurant.com