CD / Jazz / Blues : Guide d'achat 2009
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CD / Jazz / Blues : Guide d’achat 2009

Avec les Fêtes de fin d’année, vient le temps… du foie gras! Poêlé, en terrine, au torchon, mariné ou au sel, servi sur des toasts, avec de la viande ou des fruits de mer, des épices ou des purées de fruits frais ou secs, chaque chef a ses recettes préférées. Voici trois propositions pour accommoder ce produit tant aimé au Québec.

Carol Welsman
I Like Men
(Welcar Music)

Sur ce nouveau gravé, la pianiste et chanteuse Carol Welsman affirme haut et fort son amour de la gent masculine, qui le lui a toujours bien rendu. Sous-titré Reflexions of Miss Peggy Lee, l’album honore cette autre grande diva qui, comme Carol Welsman, oeuvra au carrefour du jazz et de la pop de grande classe. L’album réunit essentiellement des standards empruntés au répertoire de Miss Lee, de Do I Love You? à Why Don’t You Do Right?, en passant par l’incontournable Fever. Et prenant note de la présence aux côtés de Welsman de jazzmen de la trempe du clarinettiste Ken Peplowski et du saxophoniste Tom Scott, on ne peut qu’applaudir. (S. Péan)

Carole Therrien
Vues du fleuve
(Effendi)


Cinq ans après la sortie d’Oracle, son premier opus, Carole Therrien revient avec ce disque inspiré qui témoigne à la fois de la maîtrise vocale acquise au fil de son expérience dans la sphère du classique, de son goût pour un jazz impressionniste et très riche sur le plan harmonique et de son amour pour la chanson. Répondant à l’appel du large, la chanteuse et ses complices (Alain Bédard à la contrebasse et Yves Léveillé au piano) naviguent sur les eaux d’un répertoire original aux ambiances essentiellement planantes, dont émergent comme des îlots dans la brume matinale des incontournables signées Sylvain Lelièvre (Le Fleuve) et Jacques Blanchet (Le ciel se marie avec la mer), relues dans des arrangements personnels. Du grand art. (S. Péan)

Harry Manx
Bread and Buddha
(Dog My Cat)


Dans la chanson True to Yourself, interprétée en duo avec la chanteuse Samidha Joglekar, Harry Manx affirme avec un brin d’ironie que dans une éventuelle réincarnation, il mènerait une vie plus audacieuse, dans laquelle il ferait davantage d’erreurs – et les ferait plus tôt! Voilà qui donne une idée de ce neuvième album du plus zen des bluesmen occidentaux, qui nous fait voyager du folk au blues, en passant par des ballades pop-rock, le tout imprégné d’accents de musique indienne, d’intelligence, de sensibilité et de spiritualité. Entre autres délices, Manx nous offre une relecture de Long Black Veil (une histoire d’amour clandestin et d’erreur sur la personne) qui rivalise avec la version de Johnny Cash, ce qui n’est pas peu dire. (S. Péan)

Yaron Herman Trio
Muse
(Laborie)


Ne devrait-on pas se réjouir qu’une blessure au genou ait mis fin à ces rêves d’une carrière de joueur de basket que nourrissait l’iconoclaste Yaron Herman, et l’ait obligé plutôt à embrasser un destin de jazzman? Croulant sous les éloges unanimes, le prodige israélien basé à Paris traque l’inspiration dans un florilège de compos originales, agrémenté d’un standard (Con Alma) et d’un emprunt à Björk (Isobel), interprété avec aplomb par son trio augmenté pour l’occasion d’un quatuor à cordes. Méditatif par moments, flirtant avec des dissonances quasi techno par d’autres, intello mais jamais désincarné, ce monstre sacré en devenir est envoûtant. (S. Péan)

Terence Blanchard
Choices
(Concord Jazz)


Pour son entrée dans l’écurie Concord qui coïncide avec le recentrement de ses activités autour de sa Nouvelle-Orléans natale, le trompettiste Terence Blanchard a concocté un disque exigeant et fascinant, qui allie des textes récités par l’intellectuel Cornel West, la voix du chanteur néo-soul Bilal et les talents de vieux complices dont l’extraordinaire guitariste béninois Lionel Loueke. Enregistré à l’Ogdem Museum of Art, Choices témoigne du sens de la tension dramatique de Blanchard, qui s’est affiné au fil de ses bandes-sons pour Spike Lee et d’autres cinéastes. L’un des délices de l’année. (S. Péan)

Dave Douglas & Brass Ecstasy
Spirit Moves
(Greenleaf Music)


Autres temps, autre groupe pour l’audacieux Dave Douglas! En marge de ses combos usuels, il a réuni autour de lui ce brass band insolite, dans l’esprit de la tradition néo-orléanaise mais avec une saveur expérimentale: trompette, trombone, cor français, tuba et batterie, l’instrumentation n’étonnera que ceux qui ne connaissent pas le bonhomme. À ce groupe, Douglas a proposé des thèmes originaux, harmoniquement riches et pétris d’humour et de sensibilité (comme Bowie, Rava et Fats, hommages à ses estimés collègues trompettistes) ainsi que des emprunts à Otis Redding (funky Mr. Pitiful) et Hank Williams (mélancolique I’m So Lonesome I Could Cry). Une musique extatique, qui s’adresse autant à l’intellect qu’au coeur et aux pieds. (S. Péan)

Jill Barber
Chances
(Outside Music)


Après deux disques où elle laissait surtout voir son penchant pour une musique country sophistiquée (Oh Heart, 2004) ou même teintée de rockabilly (For All Time, 2006), voilà que Jill Barber s’entoure de l’attirail de la parfaite chanteuse lounge (cordes, vents, même une harpe et jusqu’à un ukulélé)! Le résultat, qui rappelle les grandes chanteuses des années 1950-60 (les Patti Page, Patsy Cline et autres Rosemary Clooney), est une réussite totale. La musique, à l’élaboration de laquelle Barber a largement participé, est littéralement suave. Pas de tricherie ici: que de vrais instruments, acoustiques, auxquels l’enregistrement rend magnifiquement justice. La grande classe. (R. Beaucage)

Ramblin’ Jack Elliott
A Stranger Here
(Anti)


Existe-t-il un seul artiste dans les champs apparentés du folk, du blues ou du country qui n’ait pas subi l’influence de cette véritable légende vivante? Bob Dylan, Pete Seeger et les Rolling Stones, pour ne nommer que ceux-là, se réclamaient humblement de lui, et pour cause! Sur ce nouvel album impeccablement réalisé par Joe Henry, le vétéran reprend à son compte des standards blues écrits à l’ère de la grande dépression des années 30 (Rising High Water Blues, Rambler’s Blues, How Long Blues). Signe des temps, ces chansons volontiers noires, et néanmoins pas dénuées d’humour et d’espoir, conviennent parfaitement à notre époque de marasme économique. Un disque exceptionnel promis à l’éternité des oeuvres marquantes. (S. Péan)