J’avais pris quelques notes avant de partir. Des détails à propos du menu, disponible en ligne, et dans lequel j’avais déjà pigé. Salade de pieuvre en entrée (une curiosité). Contre-filet de 10 oz (le plus petit) en plat de résistance. Voilà qui était fait.
Mais la première phrase dans mon carnet était une formule qui résumait mes attentes et devait coiffer ce texte. "D’un steakhouse, on espère deux choses, écrivais-je. Une dose quasi prohibée de protéines animales, et au moins autant de testostérone."
J’ignorais alors ceci: d’abord que, coincé entre l’étal de viandes et le décolleté plutôt spectaculaire de la placière, je pourrais, dès l’arrivée, considérer mes attentes de mâle bêta comme étant comblées.
Mais surtout, que La Bête, steakhouse nouveau genre, réserve, avec ses "à-côtés", quelques agréables surprises aux habitués un peu blasés par ce genre de troquet.
Par "à-côtés", on entend tout ce qui n’est pas une pièce de boeuf, et que La Bête s’emploie efficacement à peaufiner afin d’ajouter un minimum de finesse et de raffinement à l’expérience autrement digne, chez ses semblables plus génériques, d’un banquet des Bisons des prairies dans Les Pierrafeu.
L’idée est bonne, et plus heureuse que le décor qui, lui, se veut baroque-chic, mais verse sans s’en apercevoir dans le kitsch hétéroclite, tandis que la musique, elle, sombre dans les clichés, avec Sinatra et consorts.
Remarquez, ça tombe pile, j’ai choisi un contre-filet, le New York. Le vieux Frank aurait aimé.
Catégorie Prime, la meilleure viande au menu. Servi saignant, comme je l’ai réclamé, sa saveur malheureusement masquée par le rub d’épices au goût envahissant dont on l’a paré.
Cependant, comme je le disais plus haut, le reste est autrement réjouissant.
Les frites sont succulentes, foncées, et on en a conservé la pelure qui craque. Les légumes, eux aussi, sont une fête. Betterave jaune, fenouil, tomates cerises explosives sous la dent et de l’ail grillé en chemise pour parfumer l’ensemble.
Le même accompagnement (l’ail en moins) trône dans l’assiette de S. qui, elle, a penché pour un bar noir, son beurre citron-câpres au paprika fumé étant le parfait véhicule du goût discret de cette chair blanche, floconneuse. Dessous, le risotto aux grains un peu croquants, comme ils doivent l’être, exhale les effluves du parmesan qui lui confère un petit supplément d’onctuosité.
Côté vins, la carte fait un peu dans le clinquant (Pétrus, Opus One et Côte-Rôtie hors de prix), mais offre surtout une gamme vaste, comprenant un choix convenable de vins au verre. Je prends un cabernet-sauvignon de chez Kendall-Jackson dont la souplesse me surprend, tandis que S. craque pour une revigorante petite syrah d’importation privée (Bogle).
Et la salade de pieuvre qui venait au début? Elle valait à elle seule le déplacement. Ses tentacules, cuits "à la plancha", sont savoureux, leur consistance idéale (ni coriace ni caoutchouteuse), et les shrapnels de chorizo et de pommes de terre rattes qui l’accompagnent éclatent en bouche. Poêlés ensemble dans le gras de canard, ils sont couchés, avec la pieuvre, sur un mesclun relevé d’une vinaigrette au pH irréprochable.
Un mot sur l’entrée de S. qui, tentée par les calmars frits, le crab cake et la fondue chèvre et oka, vote finalement en faveur de cette dernière. Son coulant mélange serti de noix caramélisées et d’une poire aux épices résume l’expérience de La Bête: bon, réussi dans l’ensemble, mais riche, peut-être même à l’excès.
Idem pour les desserts. La crème brûlée à l’Amarula (excellente) et un brownie totalement mégalo, haut de nombreux étages que l’on coiffe d’une boule de glace, confirment que steakhouses et frugalité figurent rarement au même menu.
La Bête
2875, boul. Laurier, Delta 3, suite 170
Québec
Tél.: 418 266-1717
www.labete.ca
Table d’hôte: de 29,95 $ à 49,95 $
Menu du midi: de 17,95 $ à 27,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 160,00 $
LÉGENDE /
Cuisine
Du grand art!
Très bonne table
Bonne table
Satisfaisante
Passable