Le Kazamaza, c’est l’histoire de trois amis qui ont mis leur sensibilité d’artiste au service de la restauration. Fadi le comédien-serveur, Saad le peintre-administrateur et Fuad le cinéaste-cuisinier ne voulaient pas d’un resto où l’on ne fait que manger, payer et partir. Ils ont imaginé un café-resto culturel où l’on peut manger, bien sûr, mais aussi flâner, écouter ou acheter de la musique, discuter, philosopher et refaire le monde.
De l’ancienne boutique de timbres où le Kazamaza a élu domicile il y a cinq mois, les proprios ont conservé les antiques calorifères à eau et dévoilé le plancher de lattes enfoui sous des pelures et des pelures de prélart. Avec un divan et une table basse dans un coin, quelques tables en bois, des photos sur les murs qui témoignent des travaux de rénovation, hop!, voilà un décor ultrasimple et sans prétention, style vieil appart du Plateau. Ajoutez-y des plats de mezze (l’équivalent moyen-oriental des tapas espagnoles) du Liban, de la Syrie et de l’Arménie, ainsi que des spectacles de musique et de danse, et vous avez là un endroit où l’âme humaine est reine.
À table!
Comme il fait froid dehors, la soupe aux lentilles, fumante et goûteuse, est bienvenue. Le quartier de citron et les feuilles de coriandre fraîches, ajoutés à la dernière minute, laissent en bouche une agréable finale légèrement acidulée. C’est le genre de soupe réconfortante qu’on aimerait reproduire telle quelle à la maison.
Pour la suite du repas, notre table se couvrira graduellement de petits plats froids et chauds, servis dans des récipients de terre cuite. À partager, évidemment. Au Liban, un mezze festif peut compter jusqu’à 100 plats!
Mais comme nous ne sommes que deux, notre mezze comprendra quatre plats froids – un mouhammara, un mtabbal, un basturma et des haricots verts – et trois plats chauds – un kefta, des patates frites et un batersh.
La majorité de nos plats froids sont des purées à déguster avec du pain pita. Le mouhammara est une purée constituée de noix de Grenoble et de pin, de chapelure, de mélasse de grenadine, d’huile d’olive, d’épices et de poivre d’Alep. C’est sensuel et très goûteux. Le mtabbal en est une de betteraves rouges auxquelles on a mélangé tahini, citron, ail, persil et huile d’olive. Un parfait équilibre suave-salé. Seul plat froid d’origine arménienne (les autres sont libanais), le basturma se présente sous la forme de mini-rouleaux de filet mignon séché servis avec un soupçon de labneh (fromage à base de yogourt). Les haricots, confits à l’huile d’olive, sont assaisonnés avec de l’oignon, de l’ail, des tomates et de la coriandre.
Le kefta aux pistaches, pièce maîtresse de notre mezze chaud, s’est avéré mon plat préféré. Il consiste en de savoureuses boulettes oblongues de viande de boeuf et d’agneau, de noix de Grenoble et pistaches, d’épices et de poivre d’Alep, qui baignent dans un jus où s’amalgament toutes les saveurs. C’est tout simplement dé-li-cieux.
Nous lui avons joint la compagnie de grosses rondelles de pommes de terre frites et coiffées d’une sauce au cumin et au citron, et d’un plat de batersh (syrien), c’est-à-dire une purée d’aubergine grillée recouverte d’agneau confit haché et mélangé avec une sauce tomate et des noix de pin. Nos palais habitués au baba ghanouj nord-américain ont été surpris par le goût prononcé de fumée. De nombreux clients de la communauté libanaise de Montréal viennent au Kazamaza justement pour retrouver ce goût authentique.
Nous comptons bien revenir pour essayer la salade fattouche, le jarret d’agneau braisé à l’ail et le poulet épicé. Miam! Pour accompagner le tout, rien de mieux que le traditionnel arak, un alcool anisé qui rappelle le pastis provençal.
Petites douceurs
Le menu des desserts ne présente que deux options: halawa et baklavas variés. Ces derniers sont importés de Syrie. On peut même en rapporter une boîte pleine à la maison; ils sont près de la caisse, à côté des CD de musique, dont les meilleurs moments du Festival du monde arabe. Je ne les ai pas trouvés suffisamment frais pour en faire provision. Le halawa, une pâte compacte à base de tahini et de pistaches, est plus intéressant.
Emballant /
L’expérience gustative hors des sentiers battus et l’ambiance décontractée. L’amalgame bouffe-culture imaginé par les propriétaires, trois artistes gourmets.
Décevant /
Si vous avez besoin d’aller au p’tit coin, mettez votre tuque et vos mitaines: les toilettes, situées au sous-sol, sont glaciales. Préparation psychologique: imaginez que vous faites du camping d’hiver et que vous êtes obligé d’aller aux bécosses…
Combien? /
À deux, il nous en a coûté une soixantaine de dollars pour sept plats, avant vin, taxes et service.
Quand? /
Tous les jours de la semaine sauf le lundi, à partir de 11 h 30 (le resto est désormais ouvert pour le lunch et le souper). Brunch les samedis et dimanches à partir de 10 h.
Où? /
Kazamaza
4629, avenue du Parc
514 844-6292