Suivant une tendance de plus en plus affirmée dans le milieu, ce resto a lui aussi adopté les verrines pour certaines de ses spécialités. On n’est pas non plus surpris d’y découvrir des tapas et du guacamole… asiatiques. Un retour à la mode "fusion"? En apparence seulement, et c’est tant mieux. On parcourt la carte avec autant d’étonnement que d’intérêt, supputant les mérites réciproques du tartare de pétoncles aux trois tobikos (oeufs de poisson volant), de la verrine de tartare de saumon façon sushi, de la salade de fruits de mer confits sur couscous au cari et de la crevette géante au panko (chapelure japonaise). Je me suis d’abord décidé pour la caille en "crapaudière" (crapaudine?) à la sauce hoisin sur riz bleu "défendu au lait de coco". Puis le trio de canard m’a tenté. Puis… Me laissant cogiter, mon amie file nous chercher de quoi boire à l’épicerie du coin. Nous aurions dû y penser avant et profiter, ailleurs, d’un meilleur choix. À la guerre comme à la guerre: à son retour, nous trinquons sans chichis au Marquis de Méricourt et à la Bud Light en canette. Quant à ce que nous allons manger, notre indécision persiste et, deux ou trois fois, nous demandons au serveur de nous laisser encore quelques minutes de réflexion. "Une salade de papaye verte?" s’interroge ma compagne. Elle se répond par la négative. Ainsi changeons-nous d’idée à plusieurs reprises. À côté de nous, un jeune couple a terminé ses entrées. Un pan de toile écrue nous sépare d’une autre partie de la salle à manger d’où nous parviennent de discrets bruits de voix et des tintements d’ustensiles. Nous passons commande subitement, comme d’autres se jettent à l’eau. Elle s’amène bien vite, ma soupe aux cheveux d’ange. L’huile m’y fait de gros yeux, mais cela ne m’impressionne guère. J’attaque comme un affamé que je suis. Le bouillon se révèle agréable, pas trop encombré d’oignons verts. Je l’aurais souhaité un peu plus chaud. Des cubes de poulet se terrent au fond du bol, nombreux; je m’en désintéresse assez vite en songeant à ce qui suivra bientôt. De son côté, mon amie se délecte d’un velouté de shiitakes façon cappuccino, à base de bouillon de poulet maison relevé de piment oiseau. Un pur délice… qui s’épuise vite sous nos assauts répétés. Arrivent ensuite les nems impériaux, recette "maternelle" au porc haché extra-maigre, avec oignons, carottes, châtaignes d’eau, vermicelle de riz et gingembre. Ces ingrédients composent une farce de bon goût où rien ne s’impose trop. Nuoc mam et sauce à l’érable en nuancent subtilement le goût. Gésier confit en émulsion de mangue, wonton de rillettes aux kumquats, oeil de dragon (pitaya) en gravlax de magret fumé au thé: c’est, à mon sens, le chef-d’oeuvre de la soirée en raison de la variété des textures et des saveurs, du parfait équilibre des assaisonnements et du choix judicieux des combinaisons. J’aurais pu m’en tenir là, mais ma gourmandise avait elle-même commandé une verrine de foie gras et litchis caramélisés au sirop d’érable. Là encore, il s’agit d’un petit bonheur qu’on oublie de partager. Je dois d’ailleurs avouer que, pour la première fois, j’apprécie les litchis. J’ai presque atteint le fond du petit verre quand je songe à celle qui me fait face. Elle goûte à peine à ce que je lui offre, préférant poursuivre son tête-à-tête avec son boeuf croustillant à l’orange. La sauce sirupeuse fait briller ses lèvres, le piment qu’elle y a ajouté rutile dans ses yeux. J’ai droit à une bouchée, enfin. La viande s’avère tendre, contrairement à ce qu’un tel plat semblable nous a déjà fait endurer ailleurs. Prêts à partir, nous succombons soudain à l’offre d’une tarte à la noix de coco, elle aussi réinterprétée… dans le registre du "presque-parfait".
Le Grain de riz
410, rue Saint-Anselme
Québec
Téléphone: 418 525-2227
Menu du jour à partir de 12,95 $
Plats à la carte à partir de 16 $
Souper pour deux (incluant les taxes): 73,94 $
LÉGENDE /
Cuisine
Du grand art! Très bonne table Bonne table Satisfaisante Passable