Dans la région, certains ont fini par se faire à l’idée que, pour savourer une vraie cuisine grecque, il faut se rendre à Montréal et, en plus, bien choisir son resto. Et La Taverna nous est née. Sa seule prétention: l’authenticité. On vous y accueille avec un sourire… ensoleillé. L’ambiance et le service sont à l’avenant. Dans ce local lambrissé à mi-mur, de grandes affiches laminées vous convient aux Cyclades, à Lesvos, à Paros… et vous appareillez sans aucun regret avec, pour tout bagage, un apéro à la main et une carte prolixe sous les yeux.
Je goûte pour la première fois à une bière grecque, la Mythos – fraîche, légère et sans arrière-goût. Mon amie a préféré un muscat de Samos. Tzatziki, féta, souvlaki… On connaît. Oktopodi xydato? Du carpaccio de pieuvre marinée au vin rouge. La horta, un bouquet de pissenlit bouilli à l’huile d’olive citronnée. Je survole à tâtons (faut le faire!) les psaria freska (poisson frais grillé), pilafi (riz pilaf à la grecque), kokkinisto (jarret d’agneau), assiettes pour deux ("La Taverna", "Poséidon", "Onassis"…) combinant deux à quatre spécialités. "Tu dis que leur moussaka est bonne?" C’est du moins ce qu’on m’a affirmé en me recommandant ce resto. Va pour la moussaka. Et aussi pour autre chose, bien sûr.
L’éclairage baisse, soudain, et nous voyons surgir des cuisines un fromage qui flambe. Nous aurons de nouveau droit à ce spectacle, un peu plus tard dans la soirée. Notre serveur, que nous interrogeons sans cesse, prend un réel plaisir à nous parler de la Grèce, des produits frais, de la bonne huile d’olive… Tout le régime crétois y passe. Les particularités de la langue aussi. Puis voici venir mon tarama, une onctueuse mousse de caviar de cabillaud, citronnée à souhait et perlée de pépins de grenade dont la pulpe jute un suc doux et frais sous la dent. Parmi les nombreux vins grecs disponibles, mon amie avait opté pour un demi-litre de rouge (Demestika). Elle fait maintenant son bonheur d’un xtipiti, mousse de poivrons rôtis et féta, rose, luisante d’huile d’olive et un peu plus salée que ma propre entrée. On lui apporte ensuite des chips de morue salée frite (bakaliaro skordalia), légers, peu gras et absolument délicieux. Un aïoli bien pimenté les accompagne. J’ai droit à la même sauce dans mon assiette de ketedakia – petites croquettes d’agneau aussi savoureuses que bourratives. Sachant ce qui m’attend ensuite, je ne les mange pas toutes. De temps à autre, le serveur fait un petit tour de salle, veillant à ce que tout se déroule comme il faut. Ola kala? Oui, tout va bien. La moussaka! Bombée, dorée, fumante. Nouvelle bouffée de parfums à notre table – cannelle, girofle… Puis une fourchette qui se précipite… "Ton… contact avait raison", bredouille mon amie. Je m’en assure à mon tour et acquiesce, avant d’affronter les monstres marins qui me font face. Imaginez deux gigantesques crevettes (flambées à l’ouzo) dressées au milieu d’une petite mer rouge de sauce tomate serrée, presque pâteuse. C’est une demi-portion, heureusement. Et je n’en viens même pas à bout, malgré mon plaisir renouvelé à chaque bouchée de ces crustacés incroyablement tendres pour leur taille. J’ai en outre, à côté, un gemista, en l’occurrence un poivron jaune farci de riz aux herbes et aux raisins Sultana.
Repus, haletants, nous nous disons que nous avons bon appétit. À une table voisine, un jeune couple se dit la même chose après avoir terrassé un jarret d’agneau et un ragoût de boeuf aux trois oignons perlés. Enfin le dessert, dont je ne voulais pas: baluchon de filo fourré à la crème au lait et sirop au metaxa. Ce galaktoboureko se mange tout seul, le gourmand: nous n’y sommes pour rien. Et nous terminons la soirée par une liqueur de mastic… Non, pas celui de votre quincaillier, mais celui que produit le lentisque apprécié depuis l’Antiquité.
La Taverna
812, rue Scott
Québec
Tél.: 418 977-9933
Mezzé à prix variés
Plats divers à partir de 12 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 79,45 $
LÉGENDE /
Cuisine
Du grand art!
Très bonne table
Bonne table
Satisfaisante
Passable