Son audace, sa sûreté de main, son goût déjà exercé, ce sont autant d’atouts dont le jeune chef Vincent Morin ne s’est pas départi en quittant son restaurant de Vallée-Jonction pour le Yuzu, il y a déjà quatre ou cinq ans. Depuis, son talent s’est encore affirmé et je ne suis pas loin de croire qu’il a su communiquer un je-ne-sais-quoi (un "esprit"? une "philosophie"?) à toute son équipe. Si bien que, dans ce resto de "cuisine japonaise réinventée", vous ne vous inquiétez pas de savoir si le chef est présent ou non. On vous y sert sa cuisine, avec ce que cela suppose d’authenticité et, aussi, de belle extravagance ou de simplicité. Confiants? Nous le sommes, mon amie et moi. Nous aurions pu, au hasard, pointer du doigt deux ou trois mets sur la carte, mais nous cédons comme d’habitude à la curiosité.
Nos apéros en main – martini-litchi et, pour moi, une Asahi -, nous nous offrons un joyeux tour des rubriques, passant des premières spécialités (nigiri/sashimi, hosomaki…) aux créations les plus diverses, qui sont autant d’escales pensives: agneau type parmentier, doré du lac sur peau (caramélisé au miso épicé), tartare de saumon frais et fumé, thon rouge au pesto et shiso vert, boston de boeuf et oeuf de caille truffé, homard type ceviche, tataki de veau mariné. "Maki chaud… maki chaud?" répète mon vis-à-vis, gourmande ou intriguée, peu importe. Les explications de notre serveur ne font qu’éveiller chez elle le désir de goûter à cette curiosité. J’ai déjà fait mon choix. En y repensant, je me ravise et réduis mes ambitions à seulement trois plats… puis à deux. "Je crois que tu en auras assez", estime mon amie.
Elle vient d’entamer un verre d’Etchart blanc (Cafayate, torrontes, 2008) et laisse promener son regard autour de nous. Le décor, toujours épuré, ne nous semble pas avoir changé. Nous le commentons tout de même, pour tromper l’attente. À ma gauche, un groupe de six clients, hommes et femmes, discute allégrement en mangeant. À ma droite, un jeune couple vient d’être servi. Pour lui, la morue charbonnière en croûte de poivre, sauce aux haricots rouges. Pour elle… Je l’ignore, car ma première assiette se pose devant moi: une brochette en bois fichée dans des noix de ris de veau croûtées de noisettes broyées – avec, en garniture, un bok choy braisé à la Sapporo et une onctueuse purée de Yukon Gold à la fleur d’ail. La sauce est un jus de viande au curry vert, serrée au point d’éveiller les papilles les plus indolentes. Elle atténue l’amertume du bok choy, rehausse la saveur des ris, nuance celle de la purée. "Aux anges?" Je réponds: "Comme toi." En effet, ayant terminé assez vite sa soupe miso Shiro – tofu mariné, wakamé, échalote et huile de piment -, mon amie se délecte maintenant du maki chaud "Fusion". Ce sont cinq tronçons constitués d’une salade de crevettes de Matane épicées et accommodées de blanc d’échalote au saké, tout cela frit en tempura ponko et accompagné d’une mayonnaise au wasabi. On en a la bouche excitée (mais pas en feu), attentive aux moindres "tonalités" de ce mariage réussi. Puis s’amène un verre de Belle de Brillet (liqueur de poire Williams au cognac) pour faire fête au tatin de foie gras aux épices, laqué au mirin, et posé sur un quatre-quarts au yuzu. Je quitte ce délice, qui n’est pas mien, pour mes dumplings de caille confite. Ils sont posés sur un lit de pâtes soba. Pleurotes poêlés et poitrines de cailles s’y mêlent. Un savoureux consommé (en théière) complète cet… équipage. Le bonheur a, ce soir, la délicatesse infinie de ce plat exceptionnel et cet arôme de truffes, à la fois discret et pénétrant, qui parfumera certainement mes rêves cette nuit… Mais on n’en est pas encore là. Pour l’heure, nous nous interrogeons sur le moyen de conclure la soirée en douceur. Une crème brûlée se porte volontaire, coquette avec ses "oreilles" en chips de chocolat et coiffée d’une petite salade de fraises et de figues d’où coule une exquise vinaigrette balsamique au basilic. À ce stade, même un café serait de trop.
Yuzu sushi bar
438, rue du Parvis
Québec
Tél.: 418 521-7253
Menu du jour à partir de 9,95 $
Table d’hôte O’Konomi: 37 $
Menu dégustation cinq services: 69 à 130 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 129,75 $
LÉGENDE /
Cuisine
Du grand art!
Très bonne table
Bonne table
Satisfaisante
Passable