Chaud dehors et, à l’intérieur, aussi chaleureux que d’habitude. Ils me vont bien, ces midis-là. Il y a toujours, bien sûr, une vague appréhension, la crainte d’être déçu par un resto qu’on aime. Mais j’ai l’optimisme facile. À preuve, ce visage serein que je me montre dans l’un ou l’autre des grands miroirs. Ces derniers sont, avec l’immense cellier, les éléments du décor qui captent inévitablement (et retiennent longtemps) mon attention. L’offre d’un apéro ne tarde pas, notre réponse non plus. J’opte pour un rosé (Domaine de Gournier, VDP des Cévennes). Mon amie se décide pour un rouge (Domaine d’Éole, "Réserve des Gardians" 2007) et, presque sans transition, déclare triomphalement qu’elle a fait son choix du "Menu trois entrées". Je m’empresse d’ouvrir la carte et jette mon dévolu sur la crème de poivrons rouges. Je me demande peu après si je ne préférerais pas la roulade de boeuf aux asperges et pleurotes, sinon le carpaccio de homard. Je me dis que non et me sens plutôt tiraillé dans toutes les directions par les plats de résistance. Je pouffe, me rappelant que certains appellent ça des "résistances". À croire que vous allez devoir bouffer des circuits électriques. "Quoi?" s’inquiète mon amie. Je l’affranchis, elle hoche la tête et, pour m’aider… à faire vite, entreprend de commenter à haute voix les mérites probables de la côte de porcelet (sauce érable et pommes), de la classique bavette de boeuf à l’échalote, du steak frites, des farfalles aux crevettes, des tartares de boeuf ou de saumon… "Ils ont le boudin noir des Trois Petits Cochons!" À ma droite, un couple arrivé après nous commence déjà à manger son carpaccio de homard aux sanguines et fenouil. Pour ma part, ayant déjà procédé par élimination, il me reste à trancher entre le râble de lapin et le filet de sébaste – le premier aux ris de veau et épinards, le second à la crème de pesto.
Notre commande enfin passée, nous n’attendons pas trop l’arrivée de nos premiers plats. Le temps de trois gorgées, tout au plus. Ma crème de poivrons est d’un rouge profond et de texture onctueuse. Elle a bon goût et se révèle… relevée. Mon amie y goûte et propose illico une permutation de nos assiettes. Chose dite, chose faite. J’hérite de son beignet de crevettes, gros et rond, posé sur un petit lit de mesclun irrigué d’un coulis de poivrons rouges. En plein ce qu’il me fallait! J’en apprécie à chaque bouchée la saveur complexe – épices et aromates broyés avec la chair des crevettes dont ils rehaussent le goût sans en atténuer la délicatesse. Si je ne me retenais pas, j’en commanderais trois autres sur-le-champ. Je me contente de vider mon assiette, jusqu’au dernier brin de mesclun. Le récipient repart enfin, maculé d’un vague souvenir de coulis. Mon rosé a mis les voiles, lui aussi. "Tu m’étonnes!… tu m’étonnes!" ne cesse de répéter mon vis-à-vis.
Au deuxième service, on lui apporte son buisson de haricots verts (et de salade) sur lequel se dresse de la chair de canard fumé roulée comme un turban. La verdure est fraîche et croquante, le fumage délicat, le salage discret et nos appétits sincères. La suite s’amène, simple et belle. Pour mon amie, la joue de veau braisée accompagnée d’un demi-artichaut et semée de micro-pousses vertes. Si un plat de viande peut être qualifié de fondant, c’est bien celui-là. Et avec ce jus serré qui lui va si bien, parce que c’est le sien, on a presque l’impression, en mangeant, de bénéficier d’une faveur. Cette impression ne me quitte pas quand je m’intéresse enfin à ma propre assiette, où les goûts sont tout autres. Chou-fleur, demi-artichaut, carotte, asperge et pointe de rösti escortent mon filet de sébaste entouré de sauce. Celle-ci est une crème de pesto ("de basilic", a-t-on précisé, car il en existe maintenant de toutes sortes). La cuisson est parfaite, les saveurs s’adorent et c’est le pied en plein midi. Nous terminons par un "yogourt pris à la vanille" dans une salsa de fruits frais.
L’Échaudé
73, rue du Sault-au-Matelot
Québec
Tél.: 418 692-1299
Table d’hôte à partir de 30 $
Plats du jour: 15 à 26 $
"Menu trois entrées" (jour): 20 $
Dîner pour deux (incluant boissons et taxes): 56,44 $
LÉGENDE /
Cuisine
Du grand art!
Très bonne table
Bonne table
Satisfaisante
Passable