Je ne me rappelle plus dans quelle émission de télé un individu se promettait d’établir une "typologie des gourmands". J’y repense parfois quand j’ouvre une carte truffée de tentations aussi impératives que variées. Impulsif ou capricieux? Fantaisiste, téméraire, timoré, pénitent? Impossible de me situer personnellement, même après avoir relu plusieurs fois le menu du jour. "J’ai choisi, moi!" lance triomphalement mon amie. Elle y va d’une bonne rasade de rosé (Roseline, Côtes de Provence, 2008). Je m’octroie une bonne gorgée de Budweiser à sa santé. Longtemps après, je me décide pour un minestrone. Et puis? Ce pourrait être le pesce della Bella Riva, les tagliatelles aux crevettes, fenouil et coulis de poivrons rouges, la poitrine de canard au miel-citron, le vermicelle, sans parler des "Classiques" – penne Romanov, trio de pâtes, escalope de volaille, foie de veau à la Pavarotti… Au moment de passer commande, je change soudain d’idée en ce qui concerne le potage et opte pour la zuppa del giorno, en l’occurrence une crème d’asperges. Tandis que se préparent nos premiers plats, nous avons tout loisir de nous imaginer en plein été. Installés dans la verrière, nous regardons les passants traîner de la semelle, dehors, nonchalants sous un soleil déjà aguerri. De l’autre côté de la rue, deux flaques d’eau luisent sur l’étendue de béton qui fut une patinoire. "Les suppli pour madame…" Il s’agit de deux grosses croquettes de riz ai fungi di bosco, aux champignons sauvages et bocconcini. Chaudes, dorées, moelleuses sous leur croûte craquante, elles vous libèrent dans la bouche un arôme subtil et persistant de truffes. J’en prendrais bien une ou deux autres bouchées, mais elles ne sont pas miennes. Ma propre assiette, creuse, exhale un parfum agréable, mais peu éloquent. Il faut goûter pour se rappeler qu’il s’agit bel et bien d’une crème d’asperges – d’un beau vert tendre, pas trop épaisse, bien assaisonnée. Pour un peu, toutefois, elle serait trop salée. En attendant la suite, je me titille l’appétit en compulsant la grande carte apportée à ma demande. Certains plats retiennent plus que d’autres mon attention, tels les raviolis de ris de veau et foie gras, le suprême de saumon grillé au vinaigre de framboise, le sauté de crevettes à la crème de foie gras. Nous sommes servis. Mon amie avait assez rapidement jeté son dévolu sur les linguine aux boulettes de veau grillées: son assiette en déborde presque. Elles sont all’arrabiata et la sauce, bien relevée, nappe autant les savoureuses boulettes que les pâtes (cuites à point, soit dit en passant). J’en aurais fait mes délices, moi qui ne suis pas un inconditionnel des pasta. De mon côté, des légumes (carotte, poivron rouge, fenouil) et une petite salade accompagnent mon épais pavé de morue croûté d’une panure aux câpres. Il y entre aussi du gingembre, si j’en juge par la description qu’en fait le menu du jour, mais ce condiment se révèle plutôt discret – et ne se montre pas du tout intempestif dans la sauce que je me suis fait présenter à part. Délicate et feuilletée, la chair du poisson me convainc sans mal de sa fraîcheur, ce dont je lui sais gré. Je le lui prouve obstinément. "Je te préviens que je ne prendrai pas de dessert…" Ayant dit, mon amie se désintéresse de ce que le serveur nous raconte de ses gâteaux, salade de fruits et autres petits excès fort louables. Sans doute est-ce seulement pour me faire plaisir qu’elle se ravise quand se pose entre nous deux un gâteau mousse à la ricotta, au miel et aux fruits confits – plus deux cafés, pour le faire passer.
Ristorante Il Teatro
972, rue Saint-Jean
Québec
Téléphone: 418 694-9996
Menu du jour: 13 à 25 $
Table d’hôte: 27 à 33 $
Dîner pour deux (incluant boissons et taxes): 50,48 $
LÉGENDE /
Cuisine
Du grand art!
Très bonne table
Bonne table
Satisfaisante
Passable