Si Laloux était un C.V., il serait peut-être trop long au goût d’un employeur. Les chefs y défilent. Depuis Philippe Laloux, on y a croisé Armand Forcherio (aujourd’hui propriétaire du Nizza) et surtout André Besson (actuellement Directeur de la restauration Chez Lévêque) pendant 15 ans, quand même. Puis, en rafale ces dernières années, Danny St-Pierre (désormais propriétaire du resto Auguste à Sherbrooke), le pâtissier Patrice Demers, Marc-André Jetté (tous deux aujourd’hui à l’oeuvre au Newtown) et, enfin, Éric Gonzalez (parti à l’Auberge Saint-Gabriel).
On pourrait craindre que la fidèle clientèle de l’institution s’y perde, mais ces chefs qu’on pourrait presque qualifier d’"invités" conservent toujours des classiques, tout en apportant leur propre touche qui ajoute de la personnalité au restaurant. Un bistro, c’est aussi de l’histoire en mouvement.
Après le départ d’Éric Gonzalez, Laloux devait se trouver un chef différent. Une façon de marquer le coup. Il l’a déniché en Seth Gabrielse, un jeune homme qui fut le second de Racha Bassoul (Anise, Bazaar, maintenant fermés). Le chef porte quelques coups aux standards franchouillards en amenant avec joie un peu d’épices, quelques saveurs du Moyen-Orient. Ce qui n’est pas sans plaire à l’amateur de bistros innovants.
Au menu
Ça se traduit comment? La cuisine est certes moins éblouissante que celle d’Éric Gonzalez, au talent indéniable. Quelques entrées sortent du registre habituel, justement parce qu’on leur a ajouté cette twist exotique. La tendre pieuvre braisée grillée, par exemple, est servie froide, accompagnée de haricots cocos, de poivrons sautés, d’amandes rôties et de "salsa verde" aux tomatillos. C’est frais et délicieux, mais les cocos manquent un chouïa de cuisson. Le tartare, un classique, est préparé avec de l’agneau (un goût délicat, qui paraît trop peu), dont la chair est coupée finement au couteau, et qui se marie vraiment bien avec la sauce harissa maison, très parfumée mais pas trop relevée. Les pommes gaufrettes sont ravissantes.
Dans un registre plus classique, voyons les fameux poireaux vinaigrette. Ce soir, ce sont plutôt des mini-poireaux à la fois croquants et tendres, décorés d’un oeuf poché et de grands croûtons de pain de campagne couvert de speck, un savoureux jambon sec italien. C’est simple et efficace.
Côté plats, on navigue entre un bon vieux foie de veau servi avec rapini à l’ail, cipollini au balsamique et rondelles d’oignon, sauce au lard et une intrigante longe d’agneau au vandouvan, un mélange d’épices indien. Mais la carte propose aussi de plus simples raviolis au chèvre frais, champignons fumés et tomates confites: une pâte fine, du chèvre soyeux, des champignons à la saveur vraiment très fumée, des tomates fondantes… voilà un beau mariage! Négligeant la viande, j’ai préféré me laisser tenter par un poisson trop rarement apprêté: le maquereau. Un filet justement saisi servi avec asperges rôties, une jolie sauce à l’ail et aux pistaches concassées, des suprêmes d’orange et une purée de piments espagnols pequillos. Avouez que c’est tentant.
Douceurs
Si vous souffrez de nostalgie, l’excellente pâtissière Michelle Marek (qui s’occupe aussi du menu du restaurant voisin Pop!) prépare encore le fameux pot-de-crème au chocolat, caramel et sel de Maldon légué par le pâtissier Patrice Demers. Mais n’hésitez pas à plonger dans ce trio de pommes coupées en dés servies de trois manières, crues, cuites et confites, parfumées au carvi et au thym, avec sa glace de dulce de leche, ses dés de brioche caramélisée et son granité de pommes. Un délice.
Emballant /
Seth Gabrielse apporte un accent coloré et exotique à cette cuisine bistro. Fidèle à sa tradition, Laloux reste un restaurant confortable, boisé et lumineux, vraiment charmant. Le service conserve cette classe et cette attention pas trop guindées, qui savent vous mettre à l’aise. Laissez-vous raconter avec appétit la poésie des plats, ou guider vers les choix toujours judicieux du sommelier Theo Diamantis. Et ça, on adore.
Décevant /
Franchement ? Rien à redire. Voilà la cuisine d’un jeune chef prometteur, qui se bonifiera sans aucun doute avec les années !
Combien? /
Comptez un peu plus d’une vingtaine de dollars par personne le midi. Le soir, eh bien, doublez.
Quand? /
Les midis, du lundi au vendredi, de 11 h 30 à 14 h 30. En soirée, du dimanche au jeudi, de 17 h 30 à 22 h 30. Vendredi et samedi jusqu’à 23 h 30.
Où? /
Laloux
250, avenue des Pins Est, Montréal
Réservations recommandées: 514 287-9127
www.laloux.com