Installé à Cancale en Bretagne, le chef Olivier Roellinger est né dans une maison "où il suffisait de dévaler la rue pour entendre la mer". Pêcheur et marin depuis son enfance, l’huître est l’emblème de ses Maisons de Bricourt (www.maison-de-bricourt.com), un ensemble touristique de charme comprenant restaurants, hôtels, école de cuisine, gîtes marins, boutiques, salon de thé et spa essaimés sur la côte, à quelques kilomètres du port de Saint-Malo. Pas étonnant qu’il soit à l’origine du mouvement des chefs cuisiniers de l’organisme d’établissements de luxe Relais & Châteaux (www.relaischateaux.com), s’engageant pour sauver les espèces marines sauvages en voie de disparition. Grâce à son influence, depuis le 1er janvier 2010, les restaurants Relais & Châteaux du monde entier se sont notamment engagés à ne plus servir le très prisé thon rouge de Méditerranée sur leurs tables. "Nous avons tiré la sonnette d’alarme. Notre mer est en perdition et les économistes et hommes d’argent s’en préoccupent peu. Nous, les cuisiniers, nous sommes responsables de la sauvegarde de notre garde-manger, et aujourd’hui à force de surpêche et de pollution les poissons sont en voie de disparition", affirme le chef qui était de passage à Montréal les 28 et 29 avril en mission caritative pour la fondation de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (www.ithq.qc.ca). À l’occasion d’un grand dîner-bénéfice permettant de recueillir des fonds pour financer stages à l’étranger et formations d’excellence pour les étudiants de l’ITHQ, il a cuisiné poissons et fruits de mer locaux à sa façon. "On a beaucoup parlé du thon, mais demain ce sera probablement la raie ou l’anguille qui disparaîtront de nos tables… Or, c’est majoritairement au resto que les gens mangent des poissons et des fruits de mer. Il est donc normal de s’engager pour préserver ces espèces menacées. Dans mes établissements, je privilégie des poissons oubliés qui ne sont pas menacés. Il faut mettre notre brin de talent à remettre le maquereau, le lieu jaune ou la vieille au goût du jour!" explique le chef.
Enquête en haut fond
Il est vrai que les prédictions des écologistes ont de quoi faire frémir tous les gastronomes: selon certaines études, il n’y aurait plus de produits de la mer comestibles d’ici 2048. Partant de ce constat apocalyptique qui ferait de nous la dernière génération d’humains à pouvoir goûter des poissons sauvages, le journaliste montréalais Taras Grescoe a décidé d’entamer un tour du monde pour goûter aux spécialités de fruits de mer des quatre coins du globe avant qu’il ne soit trop tard. Il raconte son périple gastronomique et écologiste dans Notre mer nourricière (VLB Éditeur), son nouveau livre qui se lit comme un roman. Des marchés aux poissons en port de pêche, des cuisines des plus grands restaurants de la planète au shack du bout du quai, en Asie, en Europe ou en Amérique du Nord, il a recueilli les propos de poissonniers, de scientifiques, de pêcheurs, de restaurateurs, d’industriels, d’écologistes, de politiciens, d’experts en alimentation, pour tenter de brosser un portrait fidèle de nos océans. Conclusion: pour préserver les ressources de nos océans, si le journaliste nous invite à rayer de notre liste d’épicerie le thon, l’espadon, le mérou ou la lotte, il nous recommande de nous gaver de sardine, de maquereau ou de calmar, palourdes, clams, couteaux, moules, homard de l’Atlantique, hareng, aiglefin ou morue charbonnière… Un océan de perspectives!
Notre mer nourricière
de Taras Grescoe
VLB Éditeur, 2010, 400 p.