Restos / Bars

Le Charles Baillairgé : Il y a des bas…

Le Charles Baillairgé vient de me rappeler qu’il n’y a pas que des hauts dans la vie d’un restaurant.

Je ne savais pas qu’un repas pouvait être triste; je parle des mets eux-mêmes. La chose me surprend d’autant plus que j’ai déjà connu au Charles Baillairgé des soirées truculentes, des plats "joyeux", originaux et pleins de saveurs, dans une ambiance presque festive. Je ne m’attendais pas forcément à la même ambiance, aujourd’hui, puisque la vie n’est hélas pas une fête perpétuelle. Mais tout de même!… Nous sommes venus pour manger et pour y prendre un plaisir plus qu’approximatif.

Un apéro? Bien sûr. Un Marquis de la Tour fera mon affaire. Mon amie commandera un peu plus tard un riesling (Willm, 2007) pour accompagner son plat de résistance. Pour le moment, la carte nous livre ses secrets à coups de formules aussi brèves qu’alléchantes: carpaccio de bison aux épices, brochette de saint-jacques à la citronnelle, pavé de saumon, noisettes de porc, poêlée de crevettes et pétoncles à la lime kéfir (sic) et piment d’Espelette (déglacée au café), pavé de bar au miso… Avant même de me rendre aux ris de veau, suprême de faisan et magret de canard laqué au caramel de poivre long, j’ai beaucoup plus faim qu’à mon arrivée. Je note aussi la présence d’un carré de biche. La dernière fois, il était apprêté aux abricots et au caramel de porto; ce soir, les "baies d’amélanche" remplacent les abricots. Me laisserai-je tenter? Le potage du jour au navet et au miel nous tente tous les deux mon amie et moi; je m’incline et opte plutôt pour un feuilleté de champignons sauvages. Les plats de résistance mettent un peu de temps à nous convaincre, mais ça y est enfin.

Nu, tiède et chaud, sympathique: ainsi nous apparaît le potage. D’une couleur crème un peu soutenue, décoré d’un lacis de crème fraîche, il exhale un parfum infiniment léger qui titille ma curiosité gustative. La première bouchée revient de droit à mon amie, tout comme la seconde. À moi la troisième, puis la quatrième. Cela fait plaisir, cela fait du bien et j’en mangerais à volonté. Le goût du miel ne s’impose pas, mais se charge bien de masquer l’amertume naturelle du navet. Entre deux moitiés de feuilleté, du fromage de chèvre et des champignons (dont de savoureux pleurotes) accommodés d’une sauce brune (serrée et assez goûteuse). Cela n’augure pas trop mal pour la suite – preuve qu’un pressentiment n’est pas une certitude. Voici qu’arrive mon tartare de saumon et truite fumés, bien agréable à regarder. À côté se dresse une généreuse salade abondamment semée d’une brunoise courte d’oignons rouges et de poivrons (entre autres). À chaque bouchée, la saveur des oignons monopolise vos papilles et les obsède longtemps. Il suffit de "faufiler" sa fourchette tout en dessous pour ramener un peu de salade seulement mouillée de vinaigrette. Et là, on apprécie la délicatesse de cette vinaigrette. "Ta salade?" demande mon amie qui me voit froncer les sourcils. Je résume ma pensée d’un mot: maladroite! Car c’est bien de maladresse qu’il s’agit, et dont une autre preuve m’est fournie par le tartare. Un tartare encombré de pistaches et de tout petits dés de poire (en plus des assaisonnements). J’adore les pistaches et les poires, mais il y en a trop dans ce pauvre tartare. Quelqu’un, quelque part, n’a sans doute pas compris qu’il y a des limites à varier les textures dans une même recette. Bilan: un tartare consommé à moitié et une salade mangée au tiers. Ah! d’excellentes frites, soit dit en passant. Mon amie avait choisi le râble de lapin des Volières de Baie-Saint-Paul. Cela lui est servi avec une sauce à l’estragon plutôt… neutre, bien qu’on y flaire l’aromate. Les larges rouelles emprisonnent une farce ferme aux abricots (pas trop sucrée); on décèle, ici et là, des grains de poivre rose. Asperges, rutabaga, pâtisson et pommes de terre rattes complètent le plat. Cela se mange normalement, sans déception et sans exaltation. "Rien d’inattendu, mais c’est bon", commente mon amie – qui ne termine pourtant pas son assiette. Tapons-nous un (bon) gâteau au chocolat et sa ganache au thé vert… pour emporter un agréable souvenir de cette soirée.

Le Charles Baillairgé
Hôtel Clarendon
57, rue Sainte-Anne
Québec
Tél.: 418 692-1511, poste 365 ou 1 888 554-6001
Table d’hôte à partir de 29 $
Menu du jour: 9 à 14 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 100,46 $

LÉGENDE /

Cuisine

Du grand art!
Très bonne table
Bonne table
Satisfaisante
Passable