J’y rêvais depuis le matin: en cette étouffante journée de canicule, le Soñar serait le repaire idéal pour laisser s’étirer l’heure du souper. Avec son mobilier d’une blancheur neigeuse, le sombre local, situé dans un sous-sol de l’avenue Cartier, affiche une certaine parenté avec l’igloo.
Il n’y fait finalement pas aussi frais que je l’avais espéré, mais l’illusion polaire est réussie. Reste que c’est un peu déprimant de s’enfermer là par une chaude soirée estivale. C’est sans doute pourquoi la minuscule terrasse du resto est toujours pleine à craquer au 5 à 7. Et c’est sans doute aussi pourquoi Bénédicte et moi sommes les seules clientes au sous-sol, mis à part un groupe de quatre filles qui parlent fort. Pour l’ambiance, on repassera…
Enthousiastes à l’idée de souper aux tapas, nous peinons à faire un choix parmi la vaste sélection. Comme je suis venue ici quelques fois, j’essaie de me diriger vers l’inconnu. Je suis même tentée par une paella, mais mon envie de tester plusieurs plats l’emporte. Étonnamment, la carte des vins a disparu. La serveuse, enthousiaste et empressée, nous décline le contenu du cellier sans toutefois pouvoir nous renseigner sur certains cépages ou pays d’origine. Sangre de Toro rosé et Borsao rouge, ce sera.
Nos huit choix s’amènent pratiquement en même temps. Ne reste qu’à jouer les goûteuses. Bien équilibrée, la marinade de tomates-bocconcini-basilic gagne en saveur grâce à sa température pièce. On aime! Les juliennes d’aubergines frites au parmesan, par contre, refroidissent nos ardeurs. De loin le plat le plus désagréable, avec son parmesan en poudre sèche qui s’effrite et un goût quasi inexistant. Le tout est servi avec de la mayo, une mauvaise combinaison. Qu’est-il arrivé aux dattes farcies au chorizo et au serrano, un plat habituellement réussi ici? Sans saveur et de texture déplaisante, elles sont sèches et ratatinées, figées dans une mare de fromage fondu et… desséché. Bref, c’est raté. Les croquettes de jambon et pommes de terre, elles aussi accompagnées de mayo, s’en tirent mieux, mais "ne sont pas du tout comme à Barcelone", me confirme Bénédicte, gourmande globe-trotteuse. Tout de même, leurs gros morceaux de jambon compensent une texture un peu humide, et un brin de sel fait de même pour leur goût qui manque de "oumf". La salière sera aussi sollicitée pour la tortilla au jambon serrano qui, malgré les saveurs pimpantes de cette charcuterie, n’éveille pas grand-chose en bouche. "En fait, tout manque de goût", me glisse Bénédicte à l’oreille, déçue. Ce n’est heureusement pas le cas du ceviche de crevettes, auquel des piments juste assez piquants procurent une belle personnalité. J’avoue vite un faible pour les calmars frits à la lime et à la muscade (escortés de… mayo). Leur goût sucré étonne agréablement, et leur panure croustillante n’accuse aucune lourdeur. Quant aux pétoncles flambés au xérès, ils se révèlent honnêtes, bien que trop cuits.
Le dessert se décline aussi au fil de hauts et de bas. Les churros, bien chauds, légers et abondamment saupoudrés de sucre, sont une véritable bénédiction! Mais le mal se dissimule dans le pot de chocolat fondu qui les accompagne; son goût indéfinissable évoque la paraffine des lapins de Pâques industriels… C’est donc nature que nous dégusterons nos bâtonnets de pâte frite, refroidies par ce repas inégal.
Emballant /
Le service empressé, le vaste choix de tapas (51!), les prix raisonnables.
Décevant /
La qualité inégale des tapas, le manque d’ambiance, l’absence de carte des vins.
Combien? /
Le midi, 40 $ pour deux (avant taxes, boissons et service); le soir, 55 $.
Quand? /
De 12h à 23h la semaine; de 14h à 23h la fin de semaine.
Où? /
Soñar
1147, av. Cartier, Québec
418 640-7333
www.sonar-tapas.ca
LÉGENDE /
Cuisine
Du grand art!
Très bonne table
Bonne table
Satisfaisante
Passable