Restos / Bars

Resto-théâtre : Gourmandises en coulisse

Le menu idéal d’une rentrée culturelle réussie? Une soirée resto-théâtre en compagnie de passionnés de scène et de bonnes bouffes. Portraits gastronomiques de sept comédiens, auteurs et metteurs en scène affamés.

Le luxe de la vie urbaine, ce sont ces glorieuses soirées de fin d’été qui débutent avec un verre et quelques bouchées dans un bistro, se prolongent dans la salle d’un théâtre et finissent invariablement comme elles ont commencé, autour d’un verre et de quelques bouchées dans un bar ou un resto qui ferme tard. En ces temps de rentrée culturelle, nous avons demandé à sept comédiens, auteurs et metteurs en scène épicuriens à l’affiche de spectacles fort attendus de nous parler de leurs festins quotidiens et de nous régaler de leurs bonnes adresses. De la scène à la ville, ils se sont prêtés au jeu avec convivialité et gourmandise.

ÉMILIE BIBEAU

Se souvenir des bonnes choses

Vie d’artiste: "Jouer dans L’Opéra de quat’sous me donne l’impression d’appartenir à une tribu théâtrale. Avec la troupe, le sentiment de communauté est très fort. C’est naturel de se retrouver ensemble autour d’une table après chaque représentation." La jeune comédienne partagera la scène du Théâtre du Nouveau Monde avec Serge Postigo et 19 autres comédiens-chanteurs dans L’Opéra de quat’sous de Brecht, mis en scène par Robert Bellefeuille (du 28 septembre au 23 octobre).

Vie gourmande: "J’aime les belles et bonnes choses, j’adore manger! Sortir au restaurant fait partie de ma vie. Je suis une super cliente, mais je ne cuisine pas beaucoup moi-même, car je ne suis pas souvent chez moi. J’ai tellement de souvenirs mémorables de repas partagés au resto avec des amis… Découvrir de nouvelles adresses, tester des cuisines différentes, cela fait partie des choses qui m’inspirent."

Avant de monter sur scène: Les soirs où elle joue au théâtre, Émilie Bibeau mange un repas léger vers 17 h, des pâtes ou une salade. "Je fais beaucoup de cardio. Ça me permet de garder la forme et de pouvoir profiter pleinement des repas partagés avec la troupe après le spectacle."

Ses bonnes adresses: "J’aime les restos chaleureux où on est accueilli comme de la famille. Il y a des lieux où je suis une vraie habituée, comme Lustucru (5159, avenue du Parc, Montréal, 514 439-6701), ouvert récemment par des anciens employés du Pistou, mon ancien quartier général. Après 22 h, ils ont un spécial de 15 % sur le "bar à cru", leurs spécialités de tartares de poissons et viandes. C’est super pour les acteurs après la représentation. Et puis ils ont des huîtres toute l’année, j’adore. Sinon, évidemment, je recommande beaucoup le Café du TNM (84, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal, 514 866-8669), la place idéale au centre de tout. C’est tellement déstressant de savoir qu’on aura sa facture à temps pour ne pas manquer le début de la représentation!"

CLAUDE POISSANT

Le goût de Montréal

Vie d’artiste: "Du beurre, du beurre sur la table… C’est la première réplique de la pièce Tom à la ferme de Michel Marc Bouchard, que je vais mettre en scène au Théâtre d’Aujourd’hui en janvier. C’est sûr que la signification de cette réplique est importante. La vie, c’est comme une composition personnelle entre les sept péchés capitaux, et moi, je penche assez pour la gourmandise, merci!" En attendant Tom à la ferme au Théâtre d’Aujourd’hui, Claude Poissant, codirecteur artistique et directeur général du Théâtre PàP (Petit à Petit), présentera en reprise à Montréal Abraham Lincoln va au théâtre de Larry Tremblay avec Maxim Gaudette (du 8 au 25 septembre à l’Espace Go). La troupe partira ensuite en tournée à travers le Québec en octobre et novembre.

Vie gourmande: "J’ai suivi de près l’évolution gastronomique du Québec, depuis mon enfance dans les années 60 au sein d’une famille où on mangeait une cuisine goûteuse mais beaucoup moins variée qu’aujourd’hui. Je suis un vrai Montréalais et je connais la ville par coeur. Découvrir de nouveaux restos, c’est découvrir de nouveaux quartiers, mais je ne suis pas très fidèle aux établissements que j’aime. Mon obsession, c’est les cafés. J’aime les endroits où l’espresso est fait avec âme."

Ses bonnes adresses: "Il y a tellement de cafés que j’aime! En ce moment, je vais souvent au Caffè della Via (244, rue De Castelnau Est, Montréal, 514 272-8087) ou au Café Névé (151, rue Rachel Est, Montréal, 514 903-9294). J’aime aussi particulièrement la boulangerie Arhoma dans Hochelaga (15, place Simon-Valois, Montréal, 514 526-4662). Chaque fois que j’entends parler d’un nouveau lieu, où le café est excellent et le service, sympathique, je vais l’essayer. Je teste chaque endroit deux fois avant de décider si je l’adopte comme l’un de mes lieux favoris. Et puis, outre les cafés, si vous cherchez un bon resto pour aller manger après le théâtre à proximité de l’Espace Go, je vous recommande le Taza Flores (5375, avenue du Parc, Montréal, 514 274-5516), pour son ambiance de fin de soirée un peu hip, ou le bar à vin Les Trois Petits Bouchons (4669, rue Saint-Denis, Montréal, 514 285-4444).

MARIE TIFO

Nourritures terrestres

Vie d’artiste: "J’ai passé l’été à me régaler et à voyager de la Mauricie au Saguenay et puis là, tout d’un coup, j’ai l’impression qu’en un mois je vais effectuer le travail que j’aurais pu accomplir en un an!" Rentrée sur les chapeaux de roue au Festival international de la littérature (FIL) pour la comédienne qui participera au spectacle Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, mis en scène par Loui Mauffette (les 17 et 18 septembre à la Cinquième Salle de la Place des Arts), une soirée de poésie "charnelle, jouissive, où on célèbre le plaisir de la scène et de l’abandon", puis elle lira des fragments de la correspondance de Pauline Julien et Gérald Godin avec son conjoint Pierre Curzi dans La Renarde et le Mal Peigné, mis en scène par Lorraine Pintal (le 19 septembre à la Cinquième Salle de la Place des Arts), avant de s’envoler pour Les Francophonies en Limousin en France avec l’équipe de Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent et d’aller jouer La Déraison d’amour (présenté au TNM en juin 2009) au Piccolo Théâtre de Milan du 1er au 3 octobre!

Vie gourmande: "La joie de bien manger et bien boire avec modération fait partie de mon hygiène de vie. En tournée, découvrir de nouvelles saveurs et de nouveaux restos fait partie des petits bonus de ma vie d’actrice. Mais depuis que j’ai déménagé de Montréal à Saint-Hilaire, je suis plus casanière. Pierre est un formidable cuisinier, c’est un grand bonheur de déguster ce qu’il prépare."

Avant de monter sur scène: "Jouer requiert de grands efforts. Dans La Déraison d’amour, je reste 1 h 30 en scène et chaque fois, je perds de 2 à 3 livres d’eau! Environ quatre heures avant le début de la pièce, je mange des glucides et des protéines, des pâtes, du riz, du poisson. Mais après avoir joué, j’ai tellement faim! Il me faut une bière fraîche et un bon tartare de boeuf."

Ses bonnes adresses: "J’adore aller manger au Café du TNM (84, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal, 514 866-8669). La présence d’un restaurant dans un théâtre, ça rend le théâtre plus humain. Les gens qui ont vu la pièce viennent souper à côté de nous, ils abordent les acteurs, on peut leur parler, cela transforme complètement la soirée. Sinon, je suis une fidèle cliente de L’Express (3927, rue Saint-Denis, Montréal, 514 845-5333) depuis son ouverture dans les années 80. C’est vraiment une bonne adresse pour manger un tartare de boeuf ou de saumon."

ÉVELYNE ROMPRÉ

Les plaisirs de la table

"Aller manger avec la troupe le soir après la représentation
fait certainement partie des éléments qui permettent de créer une belle complicité avec les autres acteurs. La proximité autour de la table resserre les liens et ça se ressent sur scène", raconte Évelyne Rompré. Du 28 septembre au 15 octobre, l’actrice incarnera l’écrivaine Anaïs Nin dans la pièce Opium_37 mise en scène par Éric Jean, en reprise au Théâtre de Quat’Sous. "Dans la pièce, les personnages incarnent la vie bohème des années 30, avec tous les excès qu’on imagine. Mais ma vie d’actrice est moins romantique. C’est un métier où on vit le soir, mais je suis loin de m’identifier à ses figures mythiques qui s’enivrent dans les cafés!"

Sa bonne adresse: "Je cuisine beaucoup à la maison et j’aime recevoir. Après le spectacle, je vais souvent au Continental (4007, rue Saint-Denis, Montréal, 514 845-6842) parce que le resto ferme tard et qu’ils y ont une excellente sélection de vins." (M.S.)

SIMON BOUDREAULT

Cuisine populaire

"Toute notre vie sociale tourne autour de la nourriture. C’est une facette qui m’intéresse en tant qu’auteur." À l’affiche jusqu’au 11 septembre à Espace Libre, sa pièce Sauce brune se déroule dans une cafétéria d’école secondaire; la prochaine, Soupers, qu’il présentera au Théâtre d’Aujourd’hui en février, se passe dans des restaurants, là où le personnage principal, un obèse qui travaille dans l’industrie du jeu vidéo, donne rendez-vous à ses proches ou ses clients, "comme s’il avait toujours besoin de nourriture entre lui et la rencontre". "Peut-être est-ce le début d’un triptyque alimentaire théâtral?" plaisante l’auteur-comédien-metteur en scène. "Pour moi, la sauce brune, c’est la partie de notre culture alimentaire typiquement québécoise qu’on cache de nous, comme le sacre est dissimulé dans notre langue. Dans notre société obsédée par la diététique, il y a les aliments nobles, santé, et puis il y a la sauce brune qui ne fait pas partie des quatre groupes du Guide alimentaire canadien."

Sa bonne adresse: "À Espace Libre, il y a une tradition extraordinaire de manger ensemble dans la cuisine du théâtre, très bien équipée. Généralement, la tâche de faire la popote revient au metteur en scène, et le premier acteur qui sort de scène met en route la cuisson des aliments pour les autres. Parfois les soirées se prolongent très tard. Vers 3 h du matin, après avoir passé la nuit à discuter avec des amis après le spectacle, je vais manger une poutine à la Banquise (994, rue Rachel Est, Montréal, 514 525-2415). C’est un lieu qui appartient à tout le monde et où toutes les classes sociales se mêlent."

CATHERINE-ANNE TOUPIN

Le sel de la vie

"Ma vie, c’est comme un marathon. Entre mes rôles à la télévision et le théâtre, je me lève souvent à 4 h du matin pour me coucher vers minuit, alors bien manger, c’est essentiel. Mais il ne s’agit pas seulement de nourrir mon corps: les moments partagés au restaurant avec ma gang d’acteurs, cela fait partie du plaisir de jouer au théâtre", raconte Catherine-Anne Toupin. Cet automne, la comédienne met les bouchées doubles: du 8 septembre au 16 octobre, la pièce qu’elle a écrite et dont elle interprète le rôle principal est en reprise chez Duceppe. "Le théâtre va de pair avec la bonne bouffe, pour moi, c’est un retour aux besoins humains primaires. Je suis moi-même une catastrophe en cuisine, mais j’aime par-dessus tout jouir de ce que les autres préparent", raconte-t-elle.

Sa bonne adresse: "Quand À présent a été reprise en italien à Rome, je suis allée là-bas avec mon chum. Nous avons découvert un ingrédient extraordinaire, bon à s’en lécher les doigts: la truffe. Pour nous rappeler cette expérience romaine, nous allons au resto M:brgr (2025, rue Drummond, Montréal, 514 906-2746), qui décline cet ingrédient en carpaccio, dans les burgers, et même dans les frites!"

SYLVIE LÉONARD

Menu de faim de soirée

"Je m’amuse souvent à dire que je joue au théâtre pour pouvoir sortir au restaurant après! Après une représentation, impossible pour moi de rentrer immédiatement à la maison, mais plus la pièce est exigeante, plus je rentre tôt." Au mois d’octobre, Sylvie Léonard incarnera Jackie Kennedy dans la pièce d’Elfriede Jelinek mise en scène par Denis Marleau et Stéphanie Jasmin à l’Espace Go, un rôle solo où elle passera près d’une heure trente sur scène. "C’est une performance sportive. Pour être en forme, avant le spectacle, je mange très tôt vers 16 h 30, un repas plein d’énergie", raconte la comédienne qui confie aussi qu’elle adore cuisiner. "En ce moment, je me prépare pour mon rôle de Jackie. C’est difficile d’imaginer cette femme dans des circonstances triviales: qu’est-ce qu’elle mangeait? Est-ce qu’elle buvait? Était-elle boulimique, anorexique? Est-ce qu’elle prenait des médicaments? C’est un mystère. Tout était contrôlé dans sa vie. On l’imagine juste comme une silhouette impeccable… C’est très intrigant. Il va falloir imaginer tous ces détails pour incarner la vision onirique de ce personnage que propose la pièce."

Sa bonne adresse: "Il y a très peu d’endroits qui peuvent facilement accueillir 15 à 20 comédiens quand ils arrivent sur le coup de 23 h-23 h 15 après le spectacle. Près de l’Espace Go, j’aime bien aller chez Leméac (1045, avenue Laurier Ouest, Montréal, 514 270-0999). Après 22 h, ils proposent un menu à 22 $ très intéressant.