Restos / Bars

Cuisine japonaise : Miam in Japan

Au Québec, cuisine japonaise rime souvent avec sushis. Des chefs montréalais d’origine nippone nous invitent à découvrir d’autres aspects de leur cuisine et de leur culture en concoctant des repas bons comme à la maison. Une mondialisation du réconfort.

Vous vous régalez de sushis à l’heure du lunch? L’employé de bureau japonais typique, lui, préfère garnir sa boîte bento d’onigris – des boulettes de riz farcies d’ingrédients divers comme des copeaux de bonite (un poisson cousin du thon) séchée, des morceaux d’algue nori ou des prunes marinées -, d’un bol de soupe au miso et de pickles de légumes marinés au mirin (vin de riz doux) et à l’algue kombu. "Au Québec, même les enfants de quatre ans connaissent les sushis, mais la cuisine maison des mamans japonaises reste très méconnue…", constate le chef Junichi Ikematsu du restaurant Jun I. La veille de notre rencontre, en compagnie d’une douzaine d’autres chefs d’origine japonaise de l’association J.com, il a cuisiné toute la nuit pour faire découvrir la cuisine familiale nippone aux visiteurs du Jardin botanique de Montréal, dans le cadre d’un événement organisé en partenariat avec le consulat général du Japon à Montréal, et improviser un pique-nique authentique sur les pelouses du Jardin japonais. Une véritable invitation au voyage culinaire dans ce cadre magnifique, au bord du bassin entouré de ginkos, de pins et de pommetiers où nagent de vénérables carpes koï. Dans l’assiette, une salade de nouilles udon froide agrémentée de morceaux d’omelette kinshi tamago, des algues wakamé, des concombres, des oignons verts, du gingembre et de croustillantes miettes de tempura frite assaisonnée d’une vinaigrette sucrée à la bonite séchée, sauce soja et mirin. C’est frais, léger, le mélange des textures surprend… bref, des lunchs comme ça, on en voudrait tous les jours!

Le style izakaya

Ça tombe bien, le comfort food à la japonaise est justement à la mode à Montréal. Là-bas, ils appellent ça le style izakaya, une bouffe de brasserie ou de pub servie en petites portions pour accompagner une chope de bière ou un verre de saké, sans façon. "L’izakaya, c’est le goût du Japon. On n’y vient pas pour boire, mais bien pour se régaler", explique Kazuo Akutsu. Le jeune chef, qui a auparavant travaillé dans les cuisines de Normand Laprise au Toqué! et dans des restaurants de cuisine kaiseki (le comble du raffinement de la haute gastronomie japonaise), a ouvert il y a quelques mois son propre resto, Kazu. "J’ai grandi au bord de la mer, dans la région d’Ibaraki au Japon. On y pêche et on y cuisine des sushis sur la plage. Mais à Montréal, la mer est loin, alors je préfère préparer de la bonne bouffe maison, réconfortante." Une cuisine rustique: cou de porc mariné, nouilles ou tofu artisanal préparés par le chef au restaurant, légumes marinés selon une recette de sa mère, brochettes servies avec une sauce spéciale qui nécessite une semaine de préparation sont au menu. "Tout est fait maison avec amour", affirme le jeune chef.

"La communauté japonaise de Montréal est petite, mais cela faisait longtemps qu’elle rêvait de retrouver l’ambiance des izakayas", analyse pour sa part Yutaka Abe, chef du restaurant Big in Japan installé depuis quelques mois sur la Main. Ayant travaillé pendant sept ans dans un authentique izakaya tokyoïte, il se sent parfaitement à l’aise dans les cuisines de ce restaurant où il prépare, par exemple, une salade de daïkon, des fèves vertes au sésame noir, des croquettes de poulet au curry, un ragoût de patates et de porc et toutes sortes de brochettes. "L’izakaya est un lieu pour tout le monde: les jeunes, les moins jeunes… On peut y passer des heures à discuter, on peut y manger avec les doigts, grignoter, se payer un festin, y venir quand on n’a pas envie de cuisiner…", évoque-t-il. Une nouvelle convivialité à la japonaise!

Carnet d’adresses /

Jun I
156, avenue Laurier Ouest, Montréal
514 276-5864, www.juni.ca

Kazu
1862, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal, 514 937-2333

Big in Japan
3723, boulevard Saint-Laurent, Montréal
514 847-2222, www.biginjapan.ca

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Échanges culturels

Présentations épurées, sauces courtes, fascination pour le cru, culte de l’ingrédient frais… cela fait plusieurs décennies que la cuisine japonaise fascine les chefs occidentaux. Et cette passion pour l’art culinaire nippon n’est pas près de s’éteindre! La preuve? Malgré l’engouement pour les aliments locaux, les ingrédients à la mode dans les bistros montréalais sont: le yuzu, un agrume japonais très rare utilisé ici surtout dans les vinaigrettes; le panko, qui remplace presque partout la bonne vieille chapelure de pain; le thé vert matcha, colorant de vert tendre nos pâtisseries; les feuilles de shiso utilisées à la place du basilic ou de la menthe; le miso, aromatisant sauces et bouillons; le mirin, un vin de riz doux; et le saké, agrémentant les marinades… Témoin de cet engouement qu’il partage, le chef Stéphane Modat, coauteur avec François Chartier du livre Les Recettes de Papilles et Molécules (Éditions La Presse), s’apprête justement à entamer un voyage sac au dos au pays du soleil levant. "J’ai bien hâte de m’immerger totalement dans cette culture fascinante. C’est une géographie du goût totalement déstabilisante qu’il faut explorer et s’approprier. Sans les Japonais, la cuisine occidentale a travaillé l’acide, l’amer, le sucré, le salé… mais ce sont eux qui nous font découvrir ce cinquième goût, l’umami. Il y a tant à expérimenter: d’autres manières de découper et traiter les ingrédients, des cultures totalement fascinantes comme celle du wasabi, des centaines de sakés à déguster pour créer de nouveaux accords… quelle source d’inspiration!"