Restos / Bars

Portofino : Une histoire italienne

Bastion de la cuisine italienne à Québec et porteur d’une ambiance unique, le Portofino devrait miser davantage sur la qualité des produits qui composent ses plats.

Nous voilà à peine assis qu’une Moretti froide s’empare du creux de nos mains. Nous trinquons à la dolce vita, mon ami Isaac et moi, tels deux jeunes princes italiens à la fougue assumée. La soirée ne fait que commencer, nous ne nous préoccupons donc pas encore des remontrances de notre bide affamé.

La réputation du Portofino n’est plus à faire. Voilà 15 ans que le fil de son histoire se tisse sur le métier de la rue Couillard. Le four à pizza s’embrase tandis qu’une silhouette en chemise fleurie passe en trombe près de notre table, guitare à la main. Mon ami, lui, me fixe, décontenancé. La Moretti n’est plus.

Dès les premières notes d’une ballade italienne dont mon cerveau me refuse le nom, je ressens affluer mon amour premier de l’Italie. Mon premier chianti, mes premiers gnocchis. Vous vous rappelez, vous aussi? Douché de cette allégresse, je commande une bouteille de sangiovese Santa Cristina. Je bourdonne d’envie de me replonger dans les classiques. J’éventre donc le menu en boudant d’un air hautain les linguine à l’encre de seiche ou le suprême de canard mariné aux cinq poivres qui, plus exotiques, auraient pu être d’excellents choix.

Je recherche plutôt le réconfort d’une soupe minestrone (au bouillon savoureux et aux pâtes étonnamment al dente) et la noble simplicité d’un antipasto de mozzarella et de tomates. Mon enthousiasme fond face à cette entrée onéreuse qui, bien que goûteuse, ne rassemble rien de l’âme culinaire italienne: la qualité des produits, ces tomates bien sucrées, cette mozzarella qui s’effiloche sous la dent, ce raffinement dans l’huile qui vous pique la langue de bonheur. Or, dans mon assiette, l’huile d’olive est gorgée de l’eau d’une tomate trop juteuse et le croquant du poivre et de la fleur de sel sont introuvables. Je lève la tête et constate avec stupéfaction que mon vis-à-vis, pourtant "calmarivore" réputé, laisse à l’abandon plusieurs dépouilles frites et huilées.

Au deuxième service (une façade de risotto de canard confit pour lui, des pâtes carbonara trop salées et trop molles pour moi), je ne peux m’empêcher de déceler une faiblesse dans les produits eux-mêmes. Sur mes gardes, je cesse de respirer lorsqu’un serveur m’offre du parmesan, imaginant avec horreur qu’il agitera un frauduleux contenant Kraft devant mon visage dépité. Grazie mille Portofino, une fois en bouche, mon palais détecte l’umami souverain du parmigiano reggiano.

Soupir rendu et ventre dodu, nous achevons tranquillement le vin avant de glisser au dessert. Une fin plus douce, où nous nous régalons d’un tiramisu au mascarpone parfait. Ma crème brûlée livre aussi la marchandise, à un point tel que nous décidons de la partager avec une cliente volubile qui souhaite vraisemblablement poursuivre les festivités.

Il se fait tard. Autour de nous, les tables sont désertes, le bar s’amoncelle d’employés. Notre aimable serveuse nous offre un limoncello, que nous sirotons en souriant. La lumière semble plus tamisée qu’à notre arrivée.

Une page de l’histoire du Portofino est tournée.

EMBALLANT /
Le décor décontracté et animé de la présence, tous les soirs sans exception, d’un guitariste; la cave à vin reconnue par le prestigieux magazine Wine Spectator.

DÉCEVANT /
La qualité chancelante des produits de certains plats; les prix exagérés qui nous rappellent le secteur hautement touristique où niche le bistro.

COMBIEN? /
Le soir, pour deux, 85 $ pour une entrée, un plat principal et un dessert. Menu midi à 25 $ (excluant boissons, taxes et service).

QUAND? /
Tous les jours, de 11h30 à 23h.

OÙ? /
Portofino bistro italiano
54, rue Couillard
418 692-8888
www.portofino.qc.ca