La semaine dernière, mon ami D. a reçu les résultats d’un examen médical qu’il préférerait oublier. Par prévention, son médecin lui a conseillé de devenir végétarien. Le hic: D. aime la viande. Pour l’aider à avaler la pilule, je l’ai invité au Crudessence, une adresse nouvellement ouverte au centre-ville, où l’on prône l’alimentation végétalienne, biologique et crue. Pourquoi "crue"? Par opposition à "cuite": les crudivores évitent toute cuisson des aliments qu’ils utilisent – légumes, feuilles, fruits, noix, algues, graines et légumineuses – car elle a pour effet d’en altérer la valeur nutritive. Afin que ces ingrédients soient plus goûteux et digestes, on les transforme à l’aide de diverses techniques comme la fermentation, la déshydratation, le trempage et la germination.
Mon ami D. a été séduit par le décor blanc, pur et luminescent du Crudessence de la rue MacKay. Un grand triptyque récup’ réalisé par l’artiste Philippe Allard (trois grands cadres éclairés par derrière) illumine le fond du resto. Pas de doute: l’intérieur est contemporain et actuel. "On est loin des Birkenstock et de la déco grano", m’a-t-il fait remarquer.
Quand on se pointe au Crudessence, on doit cependant faire preuve d’une grande ouverture d’esprit et mettre de côté ses références gastronomiques, car rien ici ne ressemble à ce qu’on mange habituellement. Il y a bien au menu un hamburger, un pâté chinois, un brownie, des sushis et du fromage… mais les mots désignent ici une tout autre réalité.
Du "öm burger" au pâté chinois
Pour débuter, D. commande un assortiment d’entrées intitulé "assiette Découverte", histoire de goûter un peu à tout. Nous attribuons la médaille d’or aux "Capuchons de Grenoble", des champignons café farcis au pâté de noix de Grenoble. La médaille d’argent revient aux "sushis de vie" dont le riz a été remplacé par un pâté de tournesol et noix de Grenoble germés, et le poisson, par des lamelles de carottes, des pousses de trèfle et de la laitue. Visuellement, c’est un peu rébarbatif (parce que le pâté de noix est brun et on est habitués au blanc du riz), mais le goût est étonnamment frais et délicieux. Dans deux petits pots, des tartinades attendent qu’on les étale sur des craquelins de grains germés: un "fromage" de cajou (médaille de bronze) et une purée de courgettes (moins réussie). Le reste de l’assiette offre des germinations de pois verts (sucrés et irrésistibles), de tournesol et de betteraves, ainsi que des dolmas, dont les traditionnelles feuilles de vigne ont été remplacées par des feuilles de collard (une variété de chou frisé), mais dont le parfum de thym est à mon goût trop prononcé. L’ensemble récolte une bonne note: sur cinq entrées, nous en avons beaucoup aimé trois, dont quatre dans le cas de D.
En plat principal, D. opte pour le "Öm burger", qui n’a absolument rien à voir avec son cousin des fast-foods, hormis le fait qu’il s’agit d’un sandwich. Celui du Crudessence n’a évidemment pas de boulette de viande. L’entre-deux-pains est constitué d’un mélange de champignons, tomates séchées, lin et légumes variés qui sont liés avec une onctueuse sauce aïoli aux câpres. Il est garni de tomates, d’oignon rouge, de laitue, de moutarde et ketchup maison, et accompagné de choucroute et de deux salades dont une aux lentilles germées. Ma foi, ce burger végé n’a rien à envier à ses variantes carnées.
De mon côté, je choisis le pâté chinois, qui n’a de ressemblance avec la version originale que ses couleurs: blanc, jaune, brun. Le fameux trio steak-patates-blé d’Inde est représenté par des lentilles germées, une purée de chou-fleur et noix du Brésil, et des grains de maïs frais. Le dessus est auréolé d’un ketchup aux tomates séchées. Malgré son originalité, on ne peut s’empêcher d’avoir un petit relent de nostalgie en pensant au classique de notre enfance…
Pour clore
Les desserts sont assez spectaculaires. Pas dans leur allure visuelle, mais dans leur réalisation. Voyons voir: la "tarte à la lime" est réalisée avec avocat, citron et beurre de coco (et je vous jure que ça goûte la lime!), et le "choco-extase vanille", avec du cacao cru (non torréfié) et une mousse citron-cajou. En plus d’être délicieux, c’est franchement amusant et surprenant.
Emballant /
L’illusion gustative presque parfaite de certaines préparations, comme ce "fromage" de noix qui rappelle la texture d’un vrai fromage à la crème.
Décevant /
Certaines tables sont tellement proches les unes des autres que les dossiers des chaises s’entrechoquent parfois quand les gens se déplacent. Un peu plus d’espace vital ne serait pas à dédaigner.
Combien? /
Comptez une trentaine de billets par personne pour une entrée, un plat et un dessert, hors taxes et service. Oubliez l’alcool, il n’y en a pas. Les prix sont les mêmes midi et soir.
Quand? /
Du lundi au mercredi, de 10 h à 21 h, et du jeudi au samedi, de 10 h à 22 h.
Où? /
Crudessence
2157, rue MacKay, Montréal
514 664-5188, www.crudessence.com