Restos / Bars

Run de lait : Nostalgie laitière

Avec Run de lait, l’Écomusée du fier monde expose quatre années de recherche sur l’histoire de l’industrie du lait à Montréal et les enjeux sociaux qui s’y rattachent.

Résidu d’une époque bénie où le plastique n’avait pas encore pris toute la place et où il faisait bon papoter avec le livreur sur le perron de la maison, la bouteille de lait en verre, objet de nostalgie, est aussi le fil conducteur d’une exposition originale présentée jusqu’au 6 mars par l’Écomusée du fier monde. Run de lait, présentée dans le cadre de l’événement Montréal ville de verre, est le fruit d’un travail de recherche exceptionnel mené durant plusieurs années. On y découvre, suivant le parcours d’une bouteille de sa conception à sa livraison, tout ce que l’industrie du lait a représenté dans les vies des Montréalais.

De cette famille du lait, de ses travailleurs, de leurs outils et des enjeux sociaux qui l’ont entouré de la fin du 19e siècle jusqu’à nos jours le musée retrace l’existence, à travers des témoignages filmés ou retranscrits, de nombreuses photos d’archives et des objets parfois insolites issus de l’impressionnante collection privée de Robert Benoît. L’histoire d’une collaboration de près de 10 ans entre la chercheuse Joanne Burgess, professeure au département d’histoire de l’UQAM, des étudiants du département, et Éric Giroux, commissaire de l’exposition.

Histoires de laitiers

Une vingtaine d’anciens dirigeants, d’employés de bureau et de production et de laitiers ont accepté de témoigner de leur expérience. À travers leurs histoires personnelles, on suit en filigrane l’industrialisation et la création des coopératives, comme la Ferme Saint-Laurent, ou encore l’avènement de la pasteurisation, rendue obligatoire en vertu de la loi dès 1926, pour faire face notamment aux épidémies de tuberculose qui ont décimé les enfants en bas âge au début du 19e siècle. Parfois étonnante, l’évolution des corps de métier à l’intérieur de l’industrie laisse songeur, du "senteux" (dont la fonction consistait à détecter les irrégularités au nez) à l’essayeur de produits laitiers, en passant par le laitier.

Avant de figurer une image idéalisée des années 1950 dans la filmographie nord-américaine, le livreur de lait et son véhicule ont composé, durant des décennies, une catégorie professionnelle à part entière. "Il existait deux catégories de laitiers, explique Éric Giroux: la première était composée d’employés des industries, la seconde, d’indépendants, plus entrepreneurs, qui travaillaient souvent de père en fils. Ce sont eux qui développaient des stratégies de vente très sophistiquées pour élargir leur clientèle." De la carriole à la camionnette réfrigérée, les laitiers ont traversé le siècle contre vents et marées, avant de fermer boutique avec l’arrivée des commerces de détail et de la réfrigération de masse.

Cendriers promotionnels

La visite se termine sur une note ironique: dans les années 1970, avec l’arrivée du contenant de plastique, l’industrie laitière fourbit ses armes et développe un marketing très agressif, symbolisé ici par des objets promotionnels un tantinet incongrus, tels des cendriers estampillés de la marque laitière… La fin d’une époque.

Jusqu’au 6 mars 2011
À l’Écomusée du fier monde
2050, rue Amherst, Montréal, 514 528-8444
www.ecomusee.qc.ca