Pour ceux qui ne le sauraient pas, Philippe Laloux a fondé en 1987 le restaurant du même nom, avenue des Pins. N’est-il pas étrange d’avoir toujours un restaurant apprécié à son nom, alors qu’on l’a quitté seulement après y avoir travaillé un an? "J’ai eu la chance de quitter la cuisine avant de devenir amer, affirme-t-il. Je ne suis plus attaché à une maison, à une clientèle. Cela me donne une plus grande liberté." Liberté qui lui permet, tout en continuant à offrir un service de traiteur, de se consacrer à ses autres passions, la musique, la littérature et les voyages.
Itinéraires d’artiste
Avec Le Bonheur de cuire, ce qui au départ devait être un simple carnet de notes et de souvenirs de voyage est devenu un grand recueil de 120 recettes, accompagnées de très belles photos dont la plupart ont été prises par l’auteur lui-même, en cuisine et en voyage. Tant par les recettes que par les clichés et les textes poétiques, Philippe Laloux nous amène avec lui de la Provence à l’Afrique du Nord, dans les Caraïbes, au Brésil, le long du fleuve Saint-Laurent et, beaucoup, à la découverte de l’Orient qui le fascine depuis le premier voyage qu’il y a fait. C’est aussi l’évolution du chef que l’on suit page à page. "On redécouvre des légumes qu’on avait un peu oubliés, comme le salsifis ou le petit navet mauve qu’on appelle rabiole au Québec, confie-t-il. J’ai d’ailleurs mis le paquet sur les légumes. Personnellement, je mange moins de viande qu’avant."
Son livre, il l’a voulu intuitif, proposant non pas ce qu’il prépare quand il fait son service de traiteur, mais plutôt ce qu’il mange lui-même. "Ce qui est important, c’est de rendre les gens heureux, lance celui qui est tombé dans les bonnes choses quand il était petit grâce à un père artisan chocolatier à Bruxelles. En faisant ce livre, la chose qui m’importait le plus était de faire entrer la littérature dans ces pages et de la faire s’entrelacer avec les photos."
Cuisiner au jour le jour
L’ouvrage se divise, de façon classique, par genres: les hors-d’oeuvre, les soupes, les légumes, les poissons, les viandes, les desserts et les recettes de base. Sa passion pour l’Orient suit tout au long des pages: gingembre, curry, noix de coco, safran, baies de coriandre. Même les desserts fleurent bon l’Afrique du Nord et l’Asie, comme ces carrés de semoule à l’eau de rose, ce nougat glacé aux pistaches, crème au safran, ces biscottis à la cardamome ou cette glace au thé indien. On trouve aussi les classiques: gratin dauphinois, courgettes ratatouille niçoise (dont le secret est dans la coupe des légumes et leur ajout au bon moment), gigotin d’agneau au citron et romarin, qu’il réinvente à loisir… L’île flottante au gingembre, crème à la lavande, on veut essayer!
Les recettes sont relativement simples. "Pour un pro, c’est peut-être un peu premier degré, reconnaît-il. Pour un néophyte, quelques recettes sont plus difficiles. Mais souvent, c’est une question de technique. La crème au beurre, j’ai dû en faire beaucoup pour comprendre comment la réussir." Philippe Laloux n’est pas du tout rebuté par le nombre de livres de recettes lancés chaque année, que ce soit par des chefs reconnus ou par des artistes. "Je trouve intéressante cette éclosion, affirme-t-il. Mais ça prend un engagement! On peut passer un samedi aux fourneaux avec ses enfants et devenir cuisinier d’un jour. Mais je suis contre la cuisine blender, la cuisine machine. La cuisson sous vide, tous ces objets qui prennent de la place et qui coûtent très cher, très peu pour moi. Je ne vois pas l’intérêt de faire des billes avec du melon. Le melon, il prend tout son éclat quand on le coupe en deux, tout simplement. Une tranche de chou-fleur entier, que l’on fait passer à la poêle, c’est ça, la cuisine!"
Le Bonheur de cuire
de Philippe Laloux
Éd. Québec Amérique, 2010, 279 p.
www.philippelaloux.com