Samedi soir mordant, faim lancinante. Pendant que nous traversons Beauport, je me prends à souhaiter secrètement que le chansonnier que j’ai entendu en réservant au téléphone ait fini son récital. Pas qu’il semblait mauvais. Seulement, depuis ma tendre vingtaine, j’ai développé une forme d’allergie à ces interprètes qui pigent abusivement dans le répertoire "paulpichéen".
Nulle trace du troubadour lorsque nous entrons dans la chapelle anglicane de plus de 100 ans, rénovée, agrandie et reconvertie en pub. Écrans de télé et éclairages aux couleurs variables côtoient assez harmonieusement les éléments anciens conservés, tels que les murs de pierre, les fenêtres en ogive et le plafond lambrissé. Original.
Une serveuse à qui un sourire ne ferait pas de tort dépose devant nous un menu des plus modestes: quelques feuilles insérées dans un dossier de plastique à couverture transparente. L’habit ne fait pas le moine, dit-on. C’est bien vrai. Les 10 entrées et 13 plats principaux, majoritairement du genre cuisine québécoise actualisée, activent efficacement les glandes salivaires: soupe à l’oignon à la bière noire, crème brûlée de foie gras, cassoulet, mijoté d’autrefois au vin rouge…
En entrée, David opte pour le parmentier de canard, revêtu de ses plus beaux atours. Servi dans un pot Mason sur planche de bois, accompagné d’une délicieuse salade, le plat souffre malheureusement d’une surdose de pommes de terre, si bien que le canard peine à se faire valoir. Dommage. Mon carpaccio de boeuf, quant à lui, en impose. Coupé en tranches (très) épaisses, il valse harmonieusement avec la roquette, le gros sel, les tomates cerises et les lamelles de parmesan qui l’escortent. Tellement que j’ai à peine remarqué que vous-savez-qui venait d’entamer Salut les amoureux de Joe Dassin. Comme nous sommes dans la salle derrière le jubé (qui fait office de scène), le son est étouffé, pour mon grand bonheur.
Paul Piché est heureux d’un printemps, entend-on peu après. Je suis tout aussi ravie par mon magret de canard en aiguillettes. Juste assez saignante, la viande partage l’assiette avec une orgie de légumes croquants comme il se doit: brocoli, courgettes, chou-fleur, épinards, poivrons… Je boude cependant le risotto aux champignons, qui manque de goût et de parmesan. Devant moi, bonheur total en compagnie des côtes levées de cerf. Avec raison: elles sont divines. Le gibier se manifeste joliment en bouche, la sauce n’écrase pas tout grâce à son goût fumé bien équilibré, la viande se détache facilement des os. Encore bravo pour la présentation, avec la salade servie dans une mini-cocotte et les travers de côtes enroulés sur eux-mêmes. Seul bémol: les frites sont bonnes, mais mollassonnes.
Voilà qu’une pièce de CCR – l’enfer fait groupe selon moi – se fraie un chemin jusqu’à mes oreilles. Je tente de noyer mon désarroi en volant à David une ou deux gorgées de Chocalan, un excellent chilien offert au verre en version syrah ou cabernet-sauvignon.
Le chansonnier prend une pause alors que nous attaquons nos desserts. Pour David, un carré au caramel qui goûte surtout la noix de coco, garni de traits de crémage blanc qui lui donnent un petit air industriel… Pour moi, un "gâteau limoncello" parfaitement citronné, aérien, moelleux, qui conclut en beauté ce souper réussi. Amen.
EMBALLANT /
Superbes présentations, portions généreuses, beau choix de vins au verre et certains plats excellents.
DÉCEVANT /
Service un peu sec, vin rouge trop froid, concept festif qui ne fera pas l’unanimité.
COMBIEN? /
Pour trois services, pour deux personnes, 85 $ le soir, 30 $ le midi (excluant boissons, taxes et pourboire).
QUAND? /
De 11h à 14h du lundi au vendredi et de 16h à minuit tous les jours.
OÙ? /
Pub de la chapelle
2492, av. Royale
418 663-6630
pubdelachapelle.ca