La dernière rafale s’engouffre derrière moi, laissant place à la chaleur et à la rumeur nasillarde de Feist: "One, two, three, four, tell me that you love me more." Oh oui, je t’aime de plus en plus, Soupe et Cie, à chaque "saucette" dans tes folies, à chaque plongeon dans l’exotisme truculent de tes soupes hautes en couleur et en saveur.
Un petit sourire s’esquisse sur mes lèvres chaque fois que j’accroche mon manteau sur l’une des louches fixées au mur de brique, chaque fois que je me tire une bûche par excès de galanterie, laissant à la demoiselle le côté banquette garni d’une orgie de coussins moelleux.
Je souris encore lorsque ma serveuse me gratifie d’un accueil sincère, authentique comme il s’en fait trop peu, et me sert mon eau et ma bière blanche aux grosses bajoues (une Joufflue de l’Archibald) dans un bon vieux pot Mason auquel on a fixé une anse.
J’extirpe un roman de mon sac à dos et me surprends à constater comme l’endroit est bondé, en ce lundi soir froid et brouillé de neige. "Et puis non, ils ont bien raison de venir", me dis-je en goûtant l’ambiance un peu sombre, le feu jaune des lampions aux tables, le fumet odorant qui se dégage en blanches volutes des bols avoisinants.
Éliane arrive à cet instant, les joues rouges, pleine d’un désir inavoué de réconfort après la dure soirée de Super Bowl de la veille. Les ailes de poulet depuis longtemps digérées, nos estomacs s’entêtent à quérir de la viande. Éli commande du vin blanc, un Brumont, tandis que je poursuis sur la voie du blé aux agrumes.
Nous invitons d’abord une trilogie de cônes à notre table, qui débordent de tartares hachés à la perfection. Saumon aux avocats et aux câpres, très classique, soyeux en bouche et bien dosé d’oignons rouges, que suivra le thon rouge et blanc, un peu croustillant, dominé par le raffinement du gingembre et du basilic. L’assaisonnement du petit dernier, au boeuf, même s’il est juste et frais, ne me jette pas en bas de ma bûche.
Mais attendez, je vais bientôt tomber. De fines tranches de boeuf baignées de citronnelle, de gingembre, de miel et d’arachides s’amènent, croulant sous le joug d’une montagne de coriandre fraîche. Le bonheur, ce carpaccio qui fond en bouche comme avril au soleil.
Et c’est ici que le party continue. Grand adepte de la gaspacho, de la pho bo vietnamienne et de la mexicaine, j’opte pour de la nouveauté et me paye un aller simple en Provence. La bouillabaisse m’enivre les narines, un parfum de fenouil et d’orange mélangé à l’âcreté du poisson. Je goûte le sel de la Méditerranée. Mon amie fuit en Inde, un bouillon saturé de curcuma, très relevé, où flotte un fromage haloumi qui se détache pour offrir quelque douceur au palais.
L’allégresse s’empare de nos papilles et, malgré notre appétit déclinant, nous ne pouvons nous passer d’une soupe dessert au chocolat blanc, aux fraises et aux amandes où flottent des filaments de basilic frais.
J’y goûte et me perds dans son onctuosité. Et je sais qu’à cet instant précis, j’ai craqué pour Soupe et Cie.
EMBALLANT /
Le voyage intérieur, caché derrière chaque lampée de soupe, et les banquettes sur lesquelles il fait bon lire, manger et s’assoupir.
DECEVANT /
Rien en particulier, sinon qu’on aimerait une offre de tartares un peu plus osée, intégrant des épices et des ingrédients qui nous transportent autant que les soupes.
COMBIEN? /
40 $ pour deux personnes, comprenant un tartare, une soupe et un dessert (excluant boissons, taxes et service).
QUAND? /
Tous les jours, de 11h à 22h (les cuisines ferment à 21h).
OU? /
Soupe et Cie
522, 3e Avenue
418 948-8996
soupecie.com