Pousser la porte du Café de la paix, lové entre les Ursulines et la rue Saint-Louis, a le même effet que d’atteindre 88 miles à l’heure dans la DeLorean de Marty McFly. On est immédiatement propulsé dans une autre époque. Dans ce cas-ci, une époque où on mangeait dans de la jolie vaisselle ornée d’un filet et d’une rose délicate, avec une coutellerie sur laquelle le temps avait déposé sa patine. Une époque où on décorait sans se préoccuper de l’harmonie de l’ensemble, dans le seul souci de rendre l’atmosphère chaleureuse, avec des boiseries, des caissons, de la tapisserie fleurie, des cadres hétéroclites. Une époque où les bonnes manières étaient encore à la mode.
Nous sommes accueillis en rois en cette veille de Saint-Valentin. Trois serveurs nous invitent à entrer dans une orgie de sourires et de "bienvenue" sympathiques; l’un d’eux nous escorte à notre table, s’enquiert de notre envie d’apéritif. Nous déclinons poliment pour mieux nous plonger dans le menu, qui navigue entre cuisine française, gibier et fruits de mer. Les spécialités: rognons de veau au porto, chateaubriand périgourdine, carré d’agneau à la provençale… Le mijoté de bison Grand Veneur m’intrigue, l’assortiment de fruits de mer me tente, mais j’opterai finalement pour le caribou.
Les serveurs se tiennent sur le qui-vive, accourent dès que nous leur faisons signe. Quelques minutes après avoir passé commande, nous recevons déjà nos entrées. Mon beignet d’Oka est bien doré et croustillant, mais certains de ses accompagnements me catapultent dans les années 1980: cornichons marinés, grosses feuilles de laitue… Le tartare de saumon de David est quant à lui fort réussi, malgré une texture que certains décrieraient, puisque la chair a été hachée plutôt que détaillée au couteau. Peu importe, l’ensemble est de belle tenue, et le goût très relevé, tel que demandé. Quelques gorgées de cabernet franc Inniskillin (péninsule du Niagara), et nous voilà prêts à passer au service suivant.
Il se matérialise vite devant nous sous forme de caribou aux baies de Genièvre et de ris de veau au foie gras (une spécialité de la maison). Aïe. Les deux tranches de gibier ne cèdent pas facilement sous la dent, ni sous le couteau. Une coriacité qui vient ternir le plat, dont la sauce très sapide était pourtant excellente. Les légumes en fines languettes (courgettes, carottes, navet) sont cuits à point, mais les pommes de terre à la dauphinoise ont un goût étrange et une texture désagréable. David a la fourchette plus heureuse avec ses ris de veau parfaitement cuits, qui baignent dans une sauce crémeuse où le goût du foie gras point juste assez. Lui non plus ne touche pas à ses pommes de terre…
Alors que nous attendons notre sabayon au Grand Marnier, un autre anachronisme fait son apparition dans la salle: une vendeuse de roses. Ça faisait longtemps, tiens. Elle connaît cependant peu de succès, malgré que nous soyons un 13 février. Voici nos coupes, au contenu chaud et bien mousseux, accompagnées de biscuits à l’amaretto – avec le Grand Marnier, ça fait beaucoup de parfums forts…
Derniers relents d’une bienséance perdue avant de partir: un serveur m’aide à enfiler mon manteau, et le voiturier m’ouvre la portière de l’auto. Nostalgie des plaisirs démodés.
EMBALLANT /
Service rapide, courtois, enjoué et très attentionné, de l’accueil au départ.
DECEVANT /
Charme suranné ou pas, la déco mériterait un rafraîchissement. Même chose pour les présentations des plats.
COMBIEN? /
Pour trois services, pour deux personnes, 100 $ le soir, 35 $ le midi (excluant boissons, taxes et pourboire).
QUAND? /
De 11h30 à 14h30 du lundi au samedi et dès 17h tous les soirs.
OU? /
Café de la paix
44, rue des Jardins
418 692-1430
cafedelapaix.ca