Le ressac. À chaque bouchée. Comme une impression de retour aux sources. Un rappel de la subtilité, du raffinement de cette cuisine française que l’on évoque aujourd’hui avec un petit dédain de rien du tout. Aurait-on oublié à quel point cette cuisine peut être sensuelle?
Le Continental fêtera cette année son 55e anniversaire. Cérémonieux sans être pompeux, imposant sans être grave, son décor piqué de bouquets de fleurs et encadré de bois sombre annonce un classicisme dans la forme qui ne cesse de m’ébahir sur le fond.
Un des nombreux serveurs-cuisiniers tire ma chaise et je tombe sous le charme: costume blanc, chemise blanche, noeud papillon noir, toujours cet air distingué escorté pourtant d’une chaleur bien humaine qui me plaît et désintègre instantanément mes appréhensions d’un service au formalisme ostentatoire.
Des éclairs orangés jaillissent de partout: on fait flamber des crevettes et des pièces de boeuf aux tables avoisinantes. Je trépigne sur ma chaise et me perds dans la carte des vins (diversifiée, une grande sélection de vins français classés par régions) tout en fouillant le menu où se terrent des mots tout droit descendus du paradis: crème, foie gras, langoustines grillées au beurre à l’ail, noix de ris de veau, canard à l’orange. Merci, Auguste Escoffier.
Extirpé de la cave, un Terrasse de la Garde 2005 nous est versé dans les règles de l’art, un bordeaux au penchant affirmé sur le cabernet sauvignon qui explose en fruits noirs. Satisfaite, Marie-Soleil me lance un regard avant de bombarder d’éloges la texture soyeuse de son foie gras au torchon, servi avec carottes et oignons confits. Mes pattes de crabe des neiges? De la fraîcheur, oui, et une saveur de mer qui m’envahit le palais et me donne envie de m’empiffrer d’au moins deux livres des protubérances du crustacé.
À la résistance, je ne peux m’empêcher de noyer toute forme de bienséance en empalant de ma fourchette le pétoncle de mademoiselle, que je fais rouler avec bonheur dans l’onctuosité d’une crème à la moutarde de Meaux et au miel. Que l’on soit initié ou non à la technique, nos papilles ne mentent pas: on sait que c’est exactement comme ça que l’on doit saisir les pétoncles.
Et que dire de mon filet mignon de veau bien saignant et douillet, monté d’un foie gras poêlé et d’une sauce au porto déglacée? Je vous laisse deviner. Mais ça commence et ça finit par "Mmmm".
Au dessert, Marie-Soleil flanche pour une crème brûlée à l’érable qu’elle accompagnera de sa dernière coupe de vin (son vice à elle, mais croyez-moi, il faut l’essayer!). La croûte cède sans s’émietter, la crème est bien dense: un bijou qui se laisse faire la tendresse.
J’aime les finales flamboyantes et opte donc pour les crêpes Suzette. Je plie l’échine sous leur sucre lourd, sirupeux d’orange et de Grand Marnier.
Au Continental, il n’y a que le tapis qui a mal vieilli. On y livre les classiques de la cuisine française avec l’acuité et le dynamisme des nouveaux artistes de la bouffe réinventée.
Emballant /
Les mets flambés sur place à votre table par un personnel plus qu’attentionné. L’authenticité d’une cuisine qui séduit autant l’oeil que le palais.
Décevant /
La sélection de vins au verre, maigre comparée à l’offre pesée et riche en bouteille.
Combien? /
Pour deux, environ 140 $ le soir (incluant une entrée, un plat principal et un dessert) et 35 $ le midi (excluant boissons, taxes et service).
Quand? /
Du lundi au mercredi de 11h30 à 22h, les jeudis et vendredis de 11h30 à 23h. Samedi, de 17h à 23h, et dimanche, de 17h à 22h.
Où? /
Le Continental
26, rue Saint-Louis
418 694-9995
restaurantlecontinental.com