Restos / Bars

La Crémaillère : Les règles de l'art

Un art bien classique que celui de La Crémaillère. Une cuisine française et italienne qui se peint d’une ambiance feutrée où l’on recherche le réconfort des traditions plutôt que la surprise d’un plat réinventé.

Une imposante peinture longe l’escalier qui mène aux salons privés. Des motifs abstraits où coulent des arabesques d’orangés et de blancs. Les lumières sont tamisées et font écho à la grisaille qui règne à l’extérieur, une fine bruine où s’agglutinent parfois des filons de neige.

Je suis dans une vieille et accueillante maison du Vieux-Québec. Je le ressens à travers les hauts murs qui respirent l’histoire et les grands-mamans et le temps qui passe. Je le vois dans les moulures épaisses et le tapis aux motifs végétaux d’une époque révolue.

Comme tout restaurant, La Crémaillère m’envoie un message.

J’ai toujours pensé que la restauration et le flirt partageaient une même nature. C’est un jeu où les sens sont sollicités, où l’abandon est requis, où la première impression est vitale.

Je comprends qu’ici, on mise sur le réconfort et les souvenirs d’une cuisine qui a fait ses preuves. On ne cherche pas à séduire dans l’éclat de l’innovation. On cherche plutôt à nous border dans l’édredon des terrains connus.

Ces terrains défilent sous mes yeux: le foie gras au torchon, le tartare de boeuf, les poissons, le boeuf albertain, le ris de veau et les pâtes italiennes.

Mon amie Émilie me jette un regard confus en balayant l’impressionnante carte des vins. Je suis aussi indécis qu’elle. Nous nous laissons donc conduire vers un Château de Mattes-Sabran 2007. Notre hôte nous assure que ce vin saura se marier autant à nos entrées marines qu’à la chair rouge honorée au plat de résistance. Je me laisse tenter, les corbières du Languedoc-Roussillon m’étant familières.

On nous le verse dans une carafe. Une robe profonde. Je goûte. Du fruit noir et de la cerise boisée qui s’étirent lentement en bouche. L’accord est fort réussi.

Le flirt culinaire commence par la cassolette de moules au safran. Une portion petite, certes, mais bien savoureuse. Le bouillon aux poireaux est si bien assaisonné qu’il me prend des envies de lécher mon assiette.

Pour elle, une entrée de tranches de saumon fumé de la Fée des Grèves, servie avec câpres et oignons tranchés en minces lanières. C’est facile et c’est bien fait, sans présentation particulière.

Notre serveur tranche mon carré d’agneau au romarin à la table et m’offre de baigner la chose de sauce. J’acquiesce. Que serait la cuisine française sans sauce et sans beurre? Servi saignant et accompagné des traditionnels légumes vapeurs, le repas est goûteux mais n’épate pas. L’intimidante côte de veau rôtie d’Émilie, elle, projette l’ombre de son os sur une gremolata onctueuse et un jus clair bien déglacé. J’aime que la viande soit laissée à elle-même et à son gras. On n’a pas cherché à la camoufler d’artifices.

Au dessert nous y allons de crêpes Suzette flambées, question de nous ancrer aux classiques ici vénérés. Bien que ce goût de Grand Marnier et d’orange m’enlève toujours mes moyens, l’alcool était trop présent et déséquilibrait l’attaque des autres ingrédients.

Je sirote mon allongé, conforté dans l’idée qu’une valeur sûre est ce que l’on vient vraiment chercher, ici.

Emballant /
La courtoisie d’un service qui s’habille de chaleur et d’attentions et la carte des vins, splendide, que l’on s’attarde à vous conseiller avec compétence.

Décevant /
Tout en respectant le romantisme de la cuisine française, une pincée d’inventivité serait appréciée dans la présentation ou les accompagnements de certains plats.

Combien? /
Environ 110 $ pour deux personnes (excluant boissons, taxes et service).

Quand? /
Tous les soirs de 17h à 23h et du lundi au vendredi de 11h30 à 14h30. Fermé les dimanches jusqu’au 1er mai.

Où? /
La Crémaillère
73, rue Sainte-Anne
418 692-2216
www.cremaillere.qc.ca