L’art est question d’équilibre.
Et la cuisine est art. Elle n’échappe pas à cette règle, bien au contraire. L’agencement des couleurs, la symétrie des formes, la bouffée des arômes, les différentes textures qui se livrent bataille pour l’harmonie, l’attaque du sucré, du salé, du piquant, de l’amer.
Oui, l’art culinaire est question d’équilibre. Et le restaurant du Musée national des beaux-arts du Québec y aspire certainement, même si certains plats sont mieux réussis que d’autres, avec cette touche d’originalité qui se laisse déguster.
"Pas de chance", me dis-je en entrant. L’impudente dame Nature a jeté sa hargne blanche sur mon beau mois d’avril. Je ne pourrai donc pas me délecter de la magnifique vue qu’offre le restaurant sur les champs de bataille. Privés de l’herbe verte et du miel du soleil, mes yeux s’attardent aux détails: des rideaux ondulés piquetés de lumière, de grandes peintures et une ambiance de blancheur qui imperméabilise le restaurant tout entier. Comme une toile vierge où la cuisine peut s’installer.
En m’asseyant avec ma compagne, je constate qu’une bouteille de vin pleine trône au flanc de chaque table. Je m’étonne, me demandant si l’idée est d’encourager le pauvre épicurien que je suis à me commander un peu d’eau de vie.
Ce que je fais, bien entendu, mais avec modération: nous sommes quand même à l’heure du lunch. Je suggère à Stéphanie un chardonnay minéral et passe-partout, le Fetzer, tandis que je choisis pour moi la robe soutenue et familière du Liberty School, un cabernet sauvignon de la Californie très agréable en bouche.
La carte propose quelques options très classiques, inévitables dans un restaurant de musée: quiches, salades, omelettes. Et puis viennent les inspirations artistiques plus osées, comme le carré de porc braisé à l’essence de fumée, romarin et kaffir ou la perdrix farcie au Mamirolle et à la glace de gibier.
Mon premier choix consiste en une proposition bien contemporaine: émincé de calmar fumé disposé en fleur où siège une boule de quinoa casquée d’une tomate cerise, le tout cerné de gouttes de sauce au tamarin. L’équilibre est parfait, le fumé du céphalopode, le zeste d’orange et la sauce se marient doucement à la texture croquante du quinoa.
Le potage du jour choisi par la demoiselle qui m’accompagne, un velouté de légumes à la coriandre, manque de sel mais ajoute de la chaleur à cet avril hivernal intempestif.
Tandis que Stéphanie se délecte de ses pétoncles géants, mon demi-poulet de Cornouailles farci au Pied-De-Vent me verra déçu: le fromage est trop fort et il submerge la bouche et le nez sans laisser de place à la demi-glace. La confiture de physalis y est cependant bienvenue et vient rééquilibrer le tout.
Au dessert, ma tarte Tatin au foie gras poêlé, bien que délicieuse en bouche, aurait pu profiter d’une pomme plus caramélisée et, selon mon goût, d’une pâte feuilletée et non sablée. La crème brûlée de Stef ravit mais possède une croûte un peu trop épaisse.
Emballant /
Les produits locaux combinés avec finesse, un savant mélange de simplicité et d’originalité.
Décevant /
Le format trop petit des coupes, qui ne permet pas au vin de respirer et contraste avec le raffinement de la cuisine.
Combien? /
Pour deux, 45$ pour le brunch des samedis et dimanches et 50$ le midi (excluant boissons, taxes et service).
Quand? /
Du mardi au dimanche, de 10h à 17h. Le mercredi, jusqu’à 21h, et fermé le lundi.
Où? /
Restaurant du Musée
Parc des Champs-de-Bataille
418 644-6780
www.mnba.qc.ca
C’est vrai que les verres à vin (et non les coupes ; une coupe est un récipient plus large que profond, comme dans les coupes à dessert) sont trop petits, mais il y a toujours moyen d’en demander de plus grands. C’est ce que j’ai fait et le personnel s’est fait un plaisir de les apporter
Tout aussi incongrue est la pratique de laisser traîner une bouteille de vin remplie d’eau colorée sur chaque table. C’est une chose que l’on a vu il y a quelques décennies dans certains restaurants qui cherchaient ainsi à rehausser leur standing. La pratique a été presque partout abandonnée, mais il semble qu’au Musée, le temps n’ait pas encore fait son oeuvre.